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DIASPORA BURKINABE EN TURQUIE : « Nul ne viendra construire notre pays à notre place », dixit Aymar Bérenger İsmaël Nana, représentant des étudiants burkinabè dans la ville d’Eskişehir en Turquie.

lundi 14 novembre 2016


Située à cheval entre les continents Européen et Asiatique, la République de la Turquie est riche d’identités et d’influences diverses. Cependant, il y a de cela quelques mois la population turque a assisté à une tentative de prise de pouvoir par l’armée. Chose qui aurait naturellement affecté la communauté burkinabè vivant sur ce territoire. Dans cette interview accordée à Toute Info le samedi 05 novembre dernier, le représentant des étudiants burkinabè dans la ville d’Eskişehir, Aymar Bérenger İsmaël Nana, nous dépeint sans langue de bois le monde d’affaire turc, la culture et bien d’autres aspects de la vie dans ce territoire bi-continental. Lisez plutôt !

TOUTE INFO : Pouvez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs ?

Après avoir obtenu ma licence avec spécialité en Macroéconomie et Gestion du Développement à l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest/Unité Universitaire à Bobo-Dioulasso (UCAO/UUB) au Burkina Faso, je me suis inscrit en Master en Economie dans la prestigieuse Université Anadolu en Turquie. Présentement je suis le représentant des étudiants burkinabè dans la ville d’Eskişehir.

Dites-nous quel a été votre parcours sur le plan professionnel

Mon parcours professionnel est caractérisé pluridimensionnel. En effet, j’étais contractuel d’une part pour le compte de l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD) dans le cadre du recensement des populations de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso, et d’autre part pour le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) pour les élections couplées de 2012 au Burkina Faso en qualité de formateur. Depuis 2014, je travaille en Turquie en tant qu’assistant chercheur dans un projet financé par l’Union Européenne appelé “EMLT Project” dont le but est de réduire l’incompatibilité entre éducation et emploi ou éducation et compétences dans la zone européenne à travers un système de module d’éducation à distance.

Depuis quand et comment êtes-vous arrivé en Turquie ?

Je suis en Turquie depuis 2013 plus précisément le 23 Septembre. Je suis arrivé en Turquie grâce à une bourse du gouvernement turc appelé « Turkiye bursları ». En fait, chaque année plus de 5000 bourses sont octroyées à des étudiants à travers le monde entier. Le lancement se fait dès le mois de Mars de chaque année et c’est très simple de postuler en ligne. Grâce à l’information reçue d’un ami, j’ai postulé. Il est vrai qu’au début j’étais un peu réticent car pour moi la Turquie est un pays proche de certains pays en conflit comme l’Iraq et la Syrie, mais après réflexion et les conseils de certains proches, je me suis décidé à tenter ma chance et le résultat est connu, aujourd’hui je suis en Turquie et grâce à Dieu tout se passe bien.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez fait face après votre entrée sur ce territoire européo-asiatique ?

Pour moi la difficulté majeure était la langue. En effet, sans une petite connaissance de la langue turque il est difficile de communiquer ici. Les langues étrangères telles que : l’anglais, le français, l’arabe etc. sont très peu parlées en Turquie. Et donc si vous n’arrivez pas à vous faire comprendre ou à communiquer, cela va de soi que vous allez vous sentir perdu. Sinon à part cela, je dirais que j’ai eu également un problème d’adaptation au climat car étant situées à cheval entre l’Europe et l’Asie, certaines régions de la Turquie connaissent des températures assez basses durant la période hivernale pouvant atteindre -10 degrés Celsius surtout à Eskişehir, la ville dans laquelle je réside. Mais avec le temps j’ai fini par m’y habituer et présentement je dirai que ça va.

Quelle vision avez-vous du monde culturel turc ?

Vous savez, la culture turque est riche d’identités et d’influences diverses. Elle trouve ses racines dans l’Islam, mais s’est également nourrie des actions européennes. La grande majorité des Turcs appartient à l’islam sunnite. Il existe toutefois d´autres communautés musulmanes, comme les Alevis (islam non dogmatique, proche du chiisme).

Qu’en est-il de l’art, la gastronomie … ?

En ce qui concerne l’art en Turquie, pendant plusieurs siècles la musique et la littérature étaient essentiellement d’inspiration religieuse. Le poids de l’islam dans cette société a prohibé tout art figuratif. Mais le père de la Turquie moderne (Kemal Atatürk) a également fortement encouragé la pénétration de la musique occidentale. En effet, de nos jours la pop turque a envahi les ondes. Le cinéma est très populaire dans les pays arabes et certains pays asiatiques surtout avec leurs télénovelas.
Côté gastronomie, je pense que la Turquie n’est pas en reste avec ses multitudes de mets dont entre autres le kebab qui est né en turquie et que vous en trouverez à tous les coins de rue, les desserts (pâtisseries souvent à base de miel, de noix et de fruits) dont les baklavas et les fameux loukoums, et la boisson la plus prisé, en plus de la bière et du vin, est le thé. Il est pratiquement impossible pour un Turc de passer une journée sans consommer du thé, même étant au travail vous trouverez toujours une petite cuisine avec un employé dont le travail se limite à la préparation du thé.

Il y a de cela quelques mois vous avez assisté à une tentative de prise de pouvoir par l’armée turque. Chose qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, notamment sur les réseaux sociaux. En tant qu’expatrié, comment avez-vous vécu ça ici en Turquie et quels commentaires en faites-vous à ce sujet ?

Je crois qu’il n’est un secret pour personne que depuis maintenant plus de 10 ans, le pouvoir civil, incarné par le président Recep Tayyip Erdogan, et l’institution militaire, sont engagés dans un bras de fer. D’un côté l’armée se présente, à tort ou à raison, comme le garant de la laïcité, des valeurs kémalistes et républicaines tandis que de l’autre, le Parti de la Justice et du Développement (AKP) du président Erdogan est considéré comme Islamo-conservateur.
Les évènements se sont déroulés un vendredi vers 19h (heure locale : GMT+03). Je me rappelle très bien ce jour car avec des amis nous discutions de la vie politique en Turquie et soudainement je reçois un appel d’un proche qui me fait savoir que les grandes artères d’Istanbul et les ponts enjambant le Bosphore ont été bloqués par les militaires. Sur le champ nous avions pris cela pour une sorte d’alerte à la bombe perpétrée surement par des terroristes, mais au fur et à mesure que les minutes s’égrainaient, nous nous sommes vite rendu compte qu’en réalité ceci s’apparentait à une prise du pouvoir d’Etat par l’armée. La ville dans laquelle j’habite, la panique se faisait voir à tout bout de rue, les gens ont commencé à envahir les super marchés pour faire des provisions comme si y aurait une guerre civile, les guichets automatiques des banques étaient vides. Mes camarades étrangers et moi n’avions autres choix que de nous enfermer dans nos maisons et de prier que la situation ne dégénère pas. Au vu de mon statut d’expatrié il m’est interdit de participer à des manifestations d’ordre politique ou sociale et donc interdiction de participer à l’appel du président Erdoğan. Toute la nuit nous avons eu droit aux parades des avions F-16 avec leurs bruits assourdissant. Au petit matin du samedi, après 18 heures d’affrontement et d’incertitude, le basculement s’est produit suite à une preuve de maturité de la part de la société civile mais également à l’aventurisme des putschistes, entendez par là l’amateurisme puisque leur projet a été déjoué en seulement quelques heures, ce qui est une bonne nouvelle pour la Turquie.

Quelle est votre plus grande satisfaction durant votre séjour dans ce pays bi continental ?

Ma plus grande satisfaction est d’avoir réussi mes études en Turquie sans trop de difficultés. Car il faut que je précise que dans mon département, les cours sont en langue turque mais grâce à mon année d’apprentissage de la langue tout s’est bien passé et pour cela je rends Grâce à Dieu.

Avez-vous un message particulier pour les futures générations qui souhaitent poursuivre leurs études en Turquie ou ailleurs en Europe ?

J’encourage les futures générations à postuler pour poursuivre leurs études en Turquie en particulier et ailleurs dans le monde de façon générale. Pour moi, poursuivre ses études hors de son pays est une bonne opportunité pour non seulement acquérir plus de connaissances mais également c’est l’occasion de côtoyer d’autres personnes et donc d’autres cultures. Cela ne veut pas dire que je soutiens la thèse selon laquelle nous n’avons pas de bonnes universités chez nous, bien au contraire, mais comme on a l’habitude de le dire, « plus est toujours mieux ». Néanmoins je tiens à signaler que je suis de ceux-là qui pense qu’un retour des cerveaux est indispensable pour prétendre au développement de notre cher pays, bien sûr avec le soutien du gouvernement qui doit trouver la formule adéquate pour une insertion de ces cadres prêts à servir leur nation ou créer des facilités pour ceux qui aimeraient travailler à leur propre compte car comme le disait l’autre « nul ne viendra construire notre pays à notre place ».

Nous sommes à présent au terme de notre entretien, avez-vous quelque chose que vous souhaiteriez ajouter ?

S’il est vrai que la situation sécuritaire qui prévaut actuellement dans la région inquiète plus d’un et beaucoup hésitent à faire un déplacement vers la Turquie soit pour les études ou les affaires, je tiens - par l’opportunité que vous me faites de pouvoir m’exprimer à travers votre quotidien - à les rassurer que la Turquie, comme beaucoup d’autres pays qui ont vécu les même incidents, reste toujours une destination très intéressante et pour ceux qui souhaitent effectuer un déplacement vers la Turquie, soit pour les affaires, soit pour les études pourront toujours compter sur la communauté Burkinabé vivant en Turquie.

Propos recueillis par Noufou OUEDRAOGO, Correspondant en Turquie
TOUTE INFO, Quotidien burkinabè en ligne