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Vie et mort de Lumumba : Washington, Bruxelles et sa « marionnette »

samedi 1er juillet 2017


L’ambassadeur des États-Unis ? Obsédé par le communisme... La sécession du Katanga ? Téléguidée par la Belgique... Le ministère français des Affaires étrangères jette un regard nuancé sur le Congo, où s’opposent l’Occident et le bloc soviétique, montrent des documents récemment déclassifiés.

Dans la foulée de l’indépendance, le Quai d’Orsay déplore « l’anarchie » qui s’est emparée du Congo, la « mutinerie » qui s’est répandue dans l’armée. Le pays nouvellement indépendant est ingouvernable. Des diplomates occidentaux jettent la pierre à Patrice Lumumba. Le Premier ministre, jadis si populaire, suscite désormais la grogne.

Le ministère français des Affaires étrangères pointe néanmoins les responsabilités de la Belgique, l’ex-puissance coloniale, qui continue de tirer les ficelles à Léopoldville (Kinshasa).

Le royaume a maintenu, pendant 70 ans, « le régime paternaliste le plus strict », soutient une note, qui critique le refus belge de former des « élites autochtones ». Son auteur dénonce l’attitude « incroyablement bornée » du commandement de la Force publique, composé uniquement d’officiers belges, et son « échec retentissant » dans ses relations avec la troupe congolaise.

Pour remettre de l’ordre dans le pays et protéger les Européens qui fuient vers le Congo Brazzaville et la Rhodésie, l’ambassadeur des États-Unis à Léopoldville, Clare Timberlake, conseille au Premier ministre Lumumba et au président, Joseph Kasa Vubu, de demander l’aide des Nations unies. Ce conseil, ils le suivront. Ne serait-ce que parce que la présence de casques bleus est une bonne façon de se débarrasser des militaires belges.

Timberlake demandera aussi à la France d’envoyer des troupes au Congo, selon des documents récemment déclassifiés. Mais Paris ne jouera pas la carte de l’interventionnisme dans l’ancienne colonie belge –même si de nombreux mercenaires français seront recrutés par Moïse Tshombe, le président de la riche province du cuivre, après la proclamation de son indépendance, le 11 juillet 1960.

Dès le lendemain, une note du ministère des Affaires étrangères met en garde contre les répercussions de la sécession. Les événements du Katanga pourraient conduire, en ces temps de Guerre froide, à l’affrontement de deux grands blocs : d’une part, « le gouvernement du Katanga, appuyé par la Rhodésie et, peut-être aussi par la Belgique » ; et d’autre part, « les "unitaristes" avec l’appui des Soviétiques et de tout le bloc afro-asiatique ».

L’ombre du communisme plane sur le Congo

Ce dernier redoute que « l’Afrique du Sud-Est » — en clair : les régimes racistes d’Afrique du Sud et de Rhodésie — « arrache à l’Afrique noire un de ses territoires », souligne cette note. « Une telle situation serait catastrophique pour l’avenir de l’Afrique et doit à tout prix être évitée. »

Après la proclamation du « Katanga libre » (qui sera suivie de l’indépendance du Sud-Kasaï), le Quai d’Orsay commence à opérer un changement de cap. Depuis Léopoldville, l’ambassadeur Charpentier partage ses interrogations avec ses supérieurs : « L’éclatement du Congo est en voie de réalisation. Je me demande sur le plan politique si ce n’est pas l’intérêt bien compris de l’Occident de ne pas s’y opposer. »

C’est bien la position que finira par adopter l’Occident, qui ne fera rien pour ramener le Katanga dans le giron congolais. Après que les Nations unies ont rejeté la demande d’aide de Lumumba, qui souhaite mater la république autoproclamée militairement avec l’aide des casques bleus, le Premier ministre (à l’instar du président Kasa Vubu) s’adresse à Nikita Khrouchtchev, le « numéro un » soviétique.

L’ombre du communisme plane plus que jamais sur le Congo, du moins aux yeux de la Belgique, qui insistait déjà, bien avant l’indépendance du Congo sur les sympathies communistes du dirigeant du Mouvement national congolais. « Mes interlocuteurs (belges) redoutent son ambition et son absence de scrupules, écrit l’ambassadeur de France à Bruxelles, Raymond Bousquet. Ils craignent notamment (que Lumumba) ne fasse la part trop large aux puissances communistes dont l’emprise sur le Congo est vivement redoutée ici. »

La peur de Moscou est également invoquée par la Belgique pour justifier une intervention qui ne dit pas son nom. Alors que « l’anarchie » pousse des Belges à fuir le Congo par dizaines de milliers, Bruxelles envoie des renforts au Congo pour protéger ses ressortissants ; ces troupes, relèvent cependant des diplomates français, interviennent surtout au Katanga, la riche province minière...

C’est aussi pour « parer aux manœuvres venant de l’Est », soutient Bousquet, que Bruxelles installe des fonctionnaires belges comme conseillers dans les ministères congolais, notamment aux Affaires étrangères.

Des conseillers du bloc soviétique, il est vrai, sont de plus en plus nombreux à « Léo » et Lumumba a menacé de faire appel aux Russes si les troupes belges ne sont pas retirées du Congo le 19 juillet 1960. (Ces 10 000 soldats belges ne partiront qu’à la fin-août.)

« Jamais je n’accepterai le retour de M. Lumumba »

La peur de Moscou habite aussi l’ambassadeur des États-Unis à Léopoldville, Clare Timberlake. A tel point que son homologue français le trouve franchement un peu trop anticommuniste. « L’ambassadeur des États-Unis n’a qu’une idée en tête, c’est de trouver partout comme à Cuba l’influence sournoise des Soviétiques », assure Charpentier, non sans sarcasme.

Timberlake redoute, entre autres, que l’armée ne soit pas véritablement sous l’autorité de Lumumba mais « de son entourage communiste » et que, derrière la façade d’ordre relatif – nous sommes en août 1960— ne se forme « une véritable force au service des agents communistes dont le nombre va grandissant à Léopoldville ». C’est du moins ce que rapporte l’ambassade de France à Washington dans un télégramme.

Mais, à Washington, l’administration Eisenhower ne voit pas en Lumumba une grave menace pour l’Occident. La CIA, qui avait pourtant ourdi un complot d’assassinat contre lui, l’abandonne au début décembre 1960. Et le département d’État ne croit pas trop à une éventuelle intervention russe.

Khrouchtchev a certes vociféré contre les Nations unies, accusées de ne pas en faire assez pour soutenir Lumumba ; il a même menacé de prendre des « mesures énergiques » pour arrêter « l’agression impérialiste » de la Belgique. Mais l’ambassadeur de France à Washington, Hervé Alphand, voit mal l’URSS s’engager plus avant en Afrique centrale : « Un jeune agent chargé à l’ambassade soviétique de suivre les affaires africaines est venu voir hier un de mes collaborateurs (…) Comme mon collaborateur lui marquait son inquiétude devant les menaces de M. Khrouchtchev, le Soviétique a répondu "ce ne sont que des déclarations ". »

Certes, quelques jours après le premier coup d’État de Joseph Mobutu (le 14 septembre 1960), Timberlake cherche à s’assurer que Lumumba ne reprendra pas le dessus. Il demande donc au président congolais s’il envisage de s’entendre un jour avec le Premier ministre qu’il a révoqué.

« Jamais je n’accepterai le retour de M. Lumumba », lui répond Kasa Vubu, du moins selon le compte rendu que Charpentier fait de leur entretien. « L’ambassadeur des États-Unis a dit qu’il s’en félicitait, car le retour au pouvoir de l’ex-Premier ministre aurait été très mal vu à Washington », rapporte Charpentier.

Nous sommes en septembre 1960 et, pour la diplomatie américaine, la remise en selle du Premier ministre serait un succès considérable pour l’Union soviétique. « Si (le département d’État) est très conscient de ce danger, il voit moins bien comment y faire face, écrit Alphand le 18 octobre 1960. Il souhaiterait que certains pays africains manifestent expressément leur méfiance vis-à-vis de M. Lumumba. »

Ces vœux ne seront pas exaucés. Certes, les pays africains qui passent pour « modérés » se méfient de Lumumba et souhaitent éviter son retour au pouvoir. Mais, relève une analyse du ministère des Affaires étrangères, « dans le contexte actuel de surenchère à l’africanisme ils hésitent à prendre publiquement position contre le champion de l’unité congolaise ». Car la sécession du Katanga passe, même aux yeux des « modérés », pour une tentative de recolonisation de la région la plus riche du Congo.

Et ils ne sont pas les seuls à le croire ! C’est aussi le cas du secrétaire général de l’ONU, Dag Hammarskjöld, et de son représentant à Léopoldville, Ralph Bunche. « (Ils) sont fermement convaincus que les Belges favorisent le mouvement de séparatisme du Katanga et que M. Tshombe est une marionnette, écrit Charpentier. Mes collègues britanniques et américains sont de cet avis et je partage également cette opinion. »

Si la Belgique n’a jamais reconnu l’« l’État du Katanga », ce dernier a pu compter sur le soutien du roi, de l’armée belge, de la Banque centrale de Belgique et de l’Union minière du Haut-Katanga, un groupe minier belge, qui lui payait des impôts.

♦ A lire également : [[1-3] Vie et mort de Lumumba : quand la France encensait le dirigeant nationaliste
 >http://www.rfi.fr/afrique/20170629-vie-mort-lumumba-quand-france-encensait-le-dirigeant-nationaliste]
♦ Dimanche 2 juillet : [3-3] Vie et mort de Lumumba : l’anticolonialisme assassiné

SOURCE : RFI
http://www.rfi.fr/afrique/20170701-vie-mort-lumumba-washington-bruxelles-marionnette?ns_mchannel=fidelisation&ns_source=newsletter_rfi_fr_afrique&ns_campaign=email&ns_linkname=editorial&rfi_member_id=1118824502228&aef_campaign_ref=article&aef_campaign_date=2017-07-01