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Nicéphore Soglo sur BBC : “La Françafrique c’est terminé”

jeudi 7 janvier 2016


Nicéphore Soglo, ancien président béninois, était l’invité de BBC Afrique et répondait aux questions de Bruno Sanogo.

Nicéphore Soglo : Moi je ne me juge jamais trop qualifié sur une personne. Si quelqu’un est patriote, s’il aime sa patrie, s’il est d’une totale intégrité, il a vocation à diriger notre pays.

BBC Afrique : Que reprochez-vous à Lionel Zinsou précisément ? N’est-il pas patriote ?

NS : Le seul problème c’est que l’Afrique après 50 ans est en droit d’exiger que ce soit le peuple qui choisisse son dirigeant. La Françafrique qui imposait des coups d’état militaire, des trouffions, cette période est terminée.

BBC Afrique : Est-ce que vous ne pensez pas qu’il faille laisser tous les candidats se présenter, et que le peuple béninois choisisse ?

NS : Je n’ai jamais dit le contraire. Ce que j’ai dit est très clair : Un, nous voulons que ce soit notre peuple et non pas la Françafrique qui choisisse le chef de notre pays. J’ai été élu par la Convention de février 1990 (Conférence Nationale) après que Nelson Mandela ait été libéré de 27 ans de bagne. Deux, il faut que la personne n’ait pas un fil à la patte, parce que quand vous sortez des grandes écoles comme l’ENA (Ecole nationale d’administration à Paris), nous savons que le commerce international vit sur la corruption. C’est l’argent que les blancs utilisent pour corrompre des chefs d’état noirs et les tenir à leur merci. Notre pays a été victime de la plus vaste escroquerie financière de son histoire. On a ponctionné avec le laisser-faire du gouvernement la bagatelle de 200 milliards de francs CFA. La première question qu’on peut demander à un candidat est : est-ce que tu es pour ou contre ça, est-ce que tu as le patriotisme, l’intégrité nécessaire ? C’est ça le problème.

BBC Afrique : N’est-ce pas à vous, qui n’êtes pas du parti de Lionel Zinsou, de lui poser ces questions ?

NS : Je suis un ancien chef d’état, vice-président du forum des anciens chefs d’état. Ce que je demande dans mon pays, c’est que le candidat qui veut briguer cette magistrature -que j’ai occupée après 18 ans de dictature- ne soit pas quelqu’un que la Françafrique a mis au pouvoir. On a des documents manuscrits sur l’homme qui avait fait le coup d’état et combien on lui avait payé. Des documents qui iraient devant n’importe quel juge dans le monde.

BBC Afrique :
Monsieur Zinsou vous a répondu dans une tribune, et dit qu’au lieu de vous opposer à sa candidature, il vaut mieux trouver un candidat de taille qui portera la candidature de la Renaissance du Benin, votre parti.

NS : Ce que je souhaite et je l’ai dit très clairement, c’est qu’après 50 ans de néo-colonialisme, l’Afrique de l’ouest, la Cedeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) devienne une réalité tangible, avec une armée fédérale capable de protéger les populations contre les violences qui viennent de l’extérieur.

BBC Afrique : On n’en est pas là, on parle des élections du 28 février prochain, à vos yeux comment ces élections se préparent-elles ?

NS : Nous avons dit que la condition sine qua non, c’est que ce soit quelqu’un de l’Afrique d’aujourd’hui, qui soit le choix de la population du Bénin, et non pas une personne que des forces extérieures nous imposent. La Françafrique n’est pas un mythe, contrairement à ce que disent les gens. On a vu des gens comme les “Bob Denard” débarquer ici à la demande des services secrets français, est-ce que c’est faux ? On a des documents.

BBC Afrique : Dans la mesure où les Béninois auront le choix le 28 février d’élire celui qui va diriger le pays, commencer à crier maintenant ça fait un peu théorie du complot, non ?

NS : Ecoutez monsieur, je ne suis pas n’importe qui. J’ai fait mes preuves sur le plan mondial.

BBC Afrique, 07/01/2016