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Incidents à Diapaga, Fada N’Gourma et Cinkansé : Le procureur général désapprouve la justice privée

mardi 15 mars 2016


Le procureur général près la Cour d’appel de Ouagadougou Laurent Poda a présidé un point de presse organisé par les magistrats le mardi 15 mars 2016 à Ouagadougou. Il s’est prononcé sur les faits qui ont marqué l’actualité ces derniers jours à savoir l’incident survenu à Diapaga ; celui survenu à la Brigade territoriale de Gendarmerie de Cinkancé et la situation à Fada N’Gourma.

Par Thierry KABORE

« Il n’est pas tolérable qu’une justice privée s’instaure à côté de celle étatique ». Cette phrase prononcée par le procureur général près la Cour d’appel de Ouagadougou Laurent Poda traduit la position des magistrats en ce qui concerne les incidents survenus à Diapaga, Fada N’Gourma et Cinkancé ; où des individus ont tenté de se faire justice eux mêmes. Nous vous proposons de façon succincte, les faits qui ont conduit le procureur général à s’exprimer ainsi.

Les faits survenus à Diapaga

Il faut rappeler que tout est parti de faits présumés de viol commis sur une mineure par un jeune homme tous deux élèves selon Laurent Poda. Le procureur du Faso ayant reçu les procès-verbaux et le jeune homme déféré a ouvert une information en saisissant le juge d’instruction, a confié le conférencier. Il explique que pendant que l’affaire est en cours, dans la matinée du 7 mars 2016, des élèves rassemblés en groupe ont manifesté pour exiger la libération immédiate et sans condition de leur camarade. N’ayant pas eu gain de cause, ils ont saccagé les locaux du palais et ont incendié un hangar, le local abritant le moulin ainsi que le moulin de la maison d’arrêt et de correction de ladite ville. Ils ne se sont pas arrêtés là, ils ont blessé au passage plusieurs agents de la garde de sécurité pénitentiaire a affirmé Laurent Poda.

La situation à Fada N’Gourma

A ce niveau, tout serait parti d’une enquête de la police judiciaire qui a abouti à l’interpellation et la conduite de douze personnes au parquet de Fada N’Gourma a déclaré le principal conférencier du jour. Les 10 personnes sur les 12 sont membres d’une association d’auto-défense et les deux autres sont des présumés voleurs que les premiers avaient ligoté et étaient entrain de les conduire dans une autre région lorsque la police judiciaire les a interpellés. Le procureur du Faso a au regard des éléments de l’enquête ouvert une information contre les membres du groupe d’auto-défense pour enlèvement, séquestration, tortures, coups et blessures volontaires a souligné le magistrat. Il continue en expliquant que pour les deux individus soupçonnés de vol de bétail, un mandat de dépôt a été décerné contre chacun d’eux pour être traduit devant le Tribunal correctionnel. C’est dans l’attente et alors que les deux procédures étaient en cours que des individus se déclarant appartenir au même type d’association que les 10 personnes écrouées, venant de Koupéla, Zorgho, Pouytenga et Boulsa ont annoncé leur descente sur Fada N’Gourma pour exiger la libération immédiate et sans condition de leurs membres détenus à la Maison d’arrêt et de correction de Fada a rappelé Laurent Poda.

L’incident survenu à la Brigade territoriale de gendarmerie de Cinkansé

Il s’agit ici d’un homme soupçonné de crime qui a été interpellé par les forces de sécurité. A l’issue d’une perquisition effectuée au domicile dudit individu, la population a incendié sa maison et s’est ensuite rendue à la brigade de gendarmerie pour exiger sa remise. Les forces de l’ordre débordées n’ont pas pu empêcher la population qui voulait se faire justice a confié le magistrat. Comme dégâts, on enregistre la mort de l’interpellé, une quinzaine de blessés dans les rangs des forces de défense et de sécurité, la brigade saccagée.

Au regard de ces faits le procureur général près la Cour d’appel de Ouagadougou Laurent Poda a déclaré : « Nous sommes dans un Etat de droit où le droit de rendre justice a été confié à la seule institution judiciaire qui rend d’ailleurs la justice au nom du peuple. Par conséquent, il n’est pas tolérable qu’une justice privée s’instaure à côté de celle étatique ». Il a rappelé que la justice est là pour protéger les droits des citoyens avant de signaler que le ministère public que le pouvoir judiciaire représente, ne peut pas fermer les yeux sur des actes constitutifs d’infraction à la loi pénale. Cela signifie qu’aucune pitié ne sera accordée à un individu, à quelque organisation ou association que ce soit, organisée ou pas et qui entrave à la loi. Elle sera tout simplement poursuivie et elle répondra de ses actes a confié le chef des magistrats.

Mais en ce qui concerne le cas spécifique des groupes d’auto-défense communément appelés les Koglwéogo, l’homme a préféré jouer à la carte de la prudence. Il estime qu’il est le procureur général chargé de veiller au respect des lois pénales et non un politique pour se prononcer sur le cas des Koglwéogo ; un nom qu’il s’est d’ailleurs abstenu de prononcer tout au long du point de presse.

Il est également revenu sur l’incident survenu à Cinkansé. Le présumé criminel, un délinquant récidiviste est connu comme tel des agents de sécurité et de la population. Si certains esprits tentent d’expliquer l’acte posé par la population par le faite que la justice a failli à sa mission en relâchant des individus interpelés pour des actes qu’ils ont commis ; le patron des magistrats a déclaré que les magistrats ne condamnent des présumés coupables qu’en présence de preuves. Dans le cas contraire, ils sont obligés de les relâcher a-t-il signifié. Afin de mettre fin au débat sur les récidivistes, Laurent Poda a fait comprendre que le pouvoir judiciaire ne fait qu’appliquer les lois votées par l’Assemblée nationale qui représente le peuple. D’ailleurs a-t-il poursuivi, les magistrats au nom de la séparation des pouvoirs, ne sont pas autorisés à remettre en cause lesdites lois, ou même d’interpeller les députés sur sa pertinence ou pas. Il conclu ses propos, en affirmant que s’il y a déphasage entre le peuple et les lois votées par ceux qui le représentent à l’Assemblé nationale, il revient à ce dernier d’aller demander à son représentant, son abrogation. Il a, pour terminer fait appel à l’indulgence de la population en lui demandant de faire confiance à la justice et lui laisser le temps de travailler.