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Qui pour incarner le renouveau sankariste ?

samedi 16 mai 2015


Longtemps divisés, les partis politiques et les organisations de la société civile qui défendent les idéaux du président Thomas Sankara ont enfin décidé de s’unir. Objectif, affronter la bataille présidentielle d’octobre prochain avec une candidature unique qui sera désignée lors d’un forum les 16 et 17 mai 2015.

La carte politique du Burkina post-insurrection se recompose jour après jour avec son lot de surprises. C’est ainsi que la décision des sankaristes de désigner une seule candidature pour la prochaine élection présidentielle pourrait faire tâche d’huile. En effet, depuis vingt-sept du régime de Blaise Compaoré, ils avaient certes le même ennemi mais n’avaient jamais pu s’unir pour le combattre. Aujourd’hui, l’avènement de l’insurrection populaire a révélé que l’image de Sankara a non seulement fédéré les jeunes, mais aussi et surtout renforcé leur leur conviction à pouvoir faire front commun pour un nouveau Burkina. La photo de ce jeune militant de l’Union pour la renaissance, parti sankariste (Unir/Ps), Lassané Sawadogo affrontant les mains nus deux militaires armés de bâton et de fusil, qui a fait le tour du monde est un exemple par tant d’autres qui prouve encore la détermination que l’on peut reconnaitre aux militants sankaristes convaincus. Pour l’élection présidentielle du 11 octobre prochain, les leaders du mouvement n’auront d’autre choix que de s’unir et devront inclure les partis politiques, les organisations de la société civile, la diaspora et les anciens compagnons exilés de Thomas Sankara qui devrait rallier la cause en retournant au pays. Mais rien n’est gagné d’avance. Le principal goulot d’étranglement sera l’épineuse question du leadership. Le débat à l’interne est déjà monté d’un cran avec plusieurs candidats en lisse et des groupes de soutien divers.

Pour l’heure, maître Bénéwendé Sankara est le plus pronostiqué pour défendre les couleurs du sankarisme. Il est d’ailleurs le seul à être pris en compte dans les sondages qui le classent constamment en troisième position après Roch Marc Christian Kaboré et Zéhirin Diabré, deux anciens ministres de Blaise Compaoré engagés dans la course à la présidentielle. Dans l’hypothèse où il y a unanimité sur la candidature de Bénéwendé, il pourrait se retrouver au moins à la deuxième place, voire la première place. Surtout que la lutte contre la corruption engagée par la transition va accabler très probablement plusieurs de ses concurrents et leurs proches qui sont des produits de l’ex. régime alors gangréné par le phénomène. Ce qui va plomber leur popularité.

Le diplomate Jean-Baptiste Natama. Après avoir créé en janvier dernier son parti, la Convergence patriotique pour la renaissance/ Mouvement progressiste (CPR/MP), a finalement rejoint le mouvement sankariste. Pour s’être illustré comme secrétaire permanent du Mécanisme africain d’évaluation par les paires (MAEP), chargé de jauger la bonne gouvernance politique en Afrique, cet Expert des Nations unies et de l’Union africaine pour les opérations de maintien de la paix, n’est autre que le Directeur de cabinet de la présidence de la commission de l’Union africaine (UA). Juriste, politologue et diplomate, Jean-Baptiste Natama est bien connu pour sa rigueur professionnelle. Toutefois, il devrait batailler dur pour convaincre autour de lui à cause de sa virginité dans la faune politique. Qu’il soit retenu ou non, sa candidature à la tête du mouvement sankariste devrait donner un poids au débat interne et pousser toute l’équipe à agir dans la cohérence.

Mariam Sankara. Son implication sera presque la baguette magique pour réussir l’unité des sankaristes. Elle est le symbole authentique qui fera converger les différentes forces puisqu’au moins personne ne devrait douter de quoi que ce soit par rapport à son engagement à défendre les idéaux sankaristes. Son problème évidemment, c’est de méconnaitre le terrain politique burkinabè après vint-sept ans d’exil passés en France. Pour ce faire, tout porte à croire qu’elle n’osera pas s’engager en première ligne dans une course électorale aux résultats improbables. En revanche, elle devrait s’engager à jouer un grand rôle de rassembleur autour de la candidature désignée. Dans ce cas, il lui faudra définitivement retourner au pays et au besoin avec ses enfants Philippe et Auguste qui ne n’ont plus refouler le pied au Burkina depuis le coup d’Etat d’octobre 1987.

Norbert Michel Tiendrebéogo. Avec son parti, le Front des forces sociales (FFS), il est souvent imposant dans ses prises de positions tranchées. C’est lui qui avait inspiré l’ex. opposition à la mettre en place un Etat-major permanent de crise (EMPC) sous le feu des grandes mobilisation contre le pouvoir de Blaise Compaoré. Dans la discrétion, sa voix a compté dans plusieurs décisions jusqu’à l’insurrection. Mais saura-t-il se contenter de ce rôle ? Rien n’est si sûr car à défaut de réussir à se faire porter à la tête du mouvement, il voudrait tout au moins peser dans le choix de la candidature unique.

Jean-Hubert Bazié. Même sans base électorale, cet ancien compagnon de Thomas Sankara a une forte capacité d’influence à l’intérieur du mouvement politique sankariste. Il est d’ailleurs le doyen d’une aile sankariste fortement représentée au CNT. Quoi qu’on dise sur son faible poids électoral, il a su récemment s’entourer de jeunes leaders comme Alphonse Ouédraogo et le parti des jeunes révolutionnaires dénommé Alliance des démocrates révolutionnaires (ADR). Jean Hubert Bazié se présente comme le guide politique de ces derniers. Sa candidature n’est pas attendue. Docteur en communication et ancien journaliste, il sera l’homme de l’ombre pour concevoir l’orientation politique du renouveau sankariste, pourvu qu’il s’y engage.

Les sankaristes, activistes de la société civile. Non affiliés aux partis politiques, ils épousent pourtant l’idée de l’union de la famille politique. Mais une fois encore, leur défaut sera de demeurer des équilibristes cherchant à se mettre à équidistance du débat politique jusque là laissé aux seuls politiques. Ils gagneraient à jouer franc jeu et franchir le pas pour se lancer ouvertement dans la bataille électorale avec des mots d’ordre de mobilisation. Dans ce sens, Jonas Hien en tant que président de la Fondation Thomas Sankara sera l’homme de consensus pour rassembler les autres acteurs.

En outre, si le Balai citoyen qui a joué un rôle important dans l’insurrection populaire doit passer au « Balai politique », le mouvement sankariste sera en principe son point de chute ; Thomas Sankara étant son idole. Mais pour l’instant, c’est l’artiste musicien engagé Sams’K Le Jah qui, à titre individuel, a accepté occuper un poste d’organisateur à l’animation pour la tenue de la convention en ce mois de mai. D’autres membres du Balai citoyen basé à Bobo-Dioulasso affichent également leur adhésion individuelle à la convention. L’impossible sera cependant de vouloir rallier tout le Balai citoyen dont on connait les accointances de certains membres répartis entre le Mouvement pour le progrès de Roch Marc Christian Kaboré, l’Union pour le progrès et le changement de Zéphirin Diabré et les puristes qui entendent garder la ligne apolitique du mouvement.

Les ‘‘seconds couteaux’’, tout aussi importants. Plusieurs anciens camarades de Thomas Sankara sont restés fidèles à lui. Sont de ceux-là, l’ex. ambassadeur Mousbila Sankara, l’ex. ministre de l’intérieur Ernest Nogma Ouédraogo, l’ex. ministre du travail Fidèle Toé, l’ex. Haut Commissaire Germaine Pitroipa, etc. et plusieurs anonymes qui sont annoncés. Tous ces gens auront leur mot à dire s’ils sont responsabilisés à des tâches précises.
Pour avoir été les moins trempés dans la gestion du pouvoir ces dernières années, les sankaristes seront les mieux positionnés de la classe politique burkinabè pour critiquer de font en comble les carences de l’ex. régime de Blaise Compaoré, y compris celles de ses anciens collaborateurs qui ont retourné la veste. C’est un avantage certain pour développer leur potentiel électoral lors des futures élections. Cela à condition que l’unité annoncée ne soit pas de façade et qu’ils arrivent à vaincre leur pauvreté légendaire en réunissant les moyens financiers nécessaires. Ce n’est qu’à ce prix que le renouveau sankariste vivra et s’imposera comme véritable force dans la faune politique burkinabè où les anciens gourous du régime déchu se disputent l’héritage malsain de leur mentor Blaise Compaoré en développant toutes sortes de stratégies pour reconquérir le pouvoir.

Amidou Kabré