Tribune du journaliste Newton Ahmed Barry sur le discours de Paul Henri-Sandaogo Damiba,le 01er avril 2022.

Ainsi vont les choses de la vie !
Que pensez du dernier discours de Damiba ?

1) il va instaurer un régime de suppression de liberté pour 5 mois et va s’octroyer tous les pouvoirs. Normalement, la charte de transition n’a pas prévu ce cas de figure. Il faut donc, ce référer à la constitution.
2) rendez-vous en octobre 2022, pour faire un premier bilan, de la restauration des territoires et du retour des personnes déplacées. 5 mois c’est un moment de tranquillité suffisant, surtout en situation de privation de liberté, totale ou partielle, pas de critiques de la presse, probablement une restriction d’accès aux réseaux sociaux et la suppression des activités politiques.
3) Les Burkinabè vont expérimenter « un régime sans liberté ». Ça ne devrait pas être un gros problème. A quelque chose malheur est bon, beaucoup de ceux qui sont les « tous puissants »aujourd’hui, n’ont pas connus les régimes militaires autoritaires. Ils sont nés dans un Burkina ou leurs devanciers avaient versé sang et sacrifié leur vie pour la liberté. Nés pour l’essentiel dans la liberté, ils ne se sont jamais imaginés que cela a pu faire l’objet d’une lutte et que des gens ont sacrifié leur vie pour qu’elle devienne aujourd’hui une banalité du quotidien. Ils vont expérimenter une vérité de la Lapalisse « c’est quand vient le moment de s’asseoir que l’on réalise l’importance des fesses ». Ils vont vivre les affres d’un régime autoritaire et réaliser qu’avec la dictature, surtout militaire, on n’est jamais définitivement du bon côté. Il faut lire Norbert Zongo sur les mésaventures de Clément Oumarou Ouedraogo sous Blaise Compaoré pour comprendre tout le sens de la mise en garde.
4) Le président a annoncé aussi l’établissement des zones de guerre qui devraient être vidées de leurs habitants. Pour une juste application de cette mesure, ce serait hautement souhaitable que le gouvernement communique par les moyens appropriés pour que les populations partent et vident les lieux. Une fois de plus, nous avons dans nos campagnes des agriculteurs et des éleveurs. S’il est facile de rager les outils aratoires et de partir dans la grande ville la plus proche, il en va autrement des éleveurs qui ont parfois des centaines voir des milliers de têtes d’animaux. Il faut forcément prévoir des couloirs et des zones d’accueil le temps que dure la guerre. Si cela n’est pas fait, ce sera hélas de nouveaux drames et de nouveaux morts inutiles.
5) Enfin, pour les DPI, cette saison hivernale risque fort bien d’être encore perdue. La 7e. Si seulement, elle pouvait être la dernière. Mais rien n’est moins sûr.
6) Un mot sur nos rapports avec la CEDEAO. Les colonels ont l’intelligence de ne pas braquer inutilement la communauté internationale. Pour notre pays et pour ses habitants, une épreuve de moins. Au moins ça a leur actif pour le moment. Mais là aussi, si les revers sur le front sécuritaire ne s’estompent pas, les colonels pourraient être tentés par les fuites en avant de leurs homologues maliens. GOITA vient d’acquérir un radar à prix d’or qui voit tout dans le ciel, jusqu’à 8000 km au dessus du Mali, alors que les terroristes sont à Kidal à moins de 2000 km de Bamako. Ni cherchez pas le paradoxe. Il ne faut surtout pas interroger l’utilité d’un pareil joujou, les panafricanistes vont vous tomber dessus et rappeler que vous êtes un valet local du mauvais impérialiste. Car c’est une question de saison. Le bon impérialiste qui a le vent en poupe, c’est Poutine.
Profitons de nos libertés, le temps des premières mesures. Elles ne tarderont pas à nous manquer !
Allah aide, ceux qui s’aident !
NAB