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ROCK MARC CHRISTIAN KABORE A PROPOS DE SA GOUVERNANCE : « Les gens veulent qu’on mette le turbo avec des méthodes au diesel. Cela ne peut pas fonctionner ainsi. » [In, Le Pays]

mardi 11 juillet 2017


Le samedi 8 juillet 2017, quatre médias du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire avaient rendez-vous avec le président du Faso, Rock Marc Christian Kaboré, au Palais de Kosyam, dans le cadre d’une grande interview. A priori, et tous ceux qui se prêtent à ce type d’exercice le disent généralement, c’est délicat pour un homme politique, et surtout pour un président de la République, assumant les plus hautes fonctions de l’Etat et dont chaque mot est décortiqué et analysé, de répondre aux questions de journalistes. Alors, que pouvons-nous dire de cet entretien que nous avons eu avec Rock Marc Christian Kaboré ? Pour la réponse à cette question, il est préférable de lire l’intégralité des échanges. « Le Pays » et « Sidwaya », deux quotidiens burkinabè, « Fraternité Matin » et « L’Intelligent d’Abidjan », deux canards ivoiriens, ont abordé tous les sujets liés à l’actualité nationale et internationale avec Rock Marc Christian Kaboré : le Traité d’amitié et de coopération Burkina-Côte d’Ivoire (TAC), sa gestion du pouvoir, son bilan à mi-parcours, la mise en œuvre du PNDES, l’exil de Blaise Compaoré, etc. L’actuel locataire de Kosyam n’a pas fait dans la langue de bois. Lisez donc cet entretien très riche et captivant.

COOPERATION BURKINA /COTE D’IVOIRE

« Sidwaya » : Nous sommes à la veille d’une rencontre importante entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, dans le cadre du Traité d’amitié et de coopération (TAC) entre les deux nations. Comment se porte la coopération entre les deux pays ?

Rock Marc Christian Kaboré : Je dois me féliciter de la qualité des relations qui existent entre les deux pays, dans tous les domaines d’ailleurs. Aussi bien au plan économique, au plan politique, qu’au plan de la coopération sécuritaire. En plus de cela, les concertations permanentes que nous entretenons entre les deux Exécutifs, notamment le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara et moi, les deux Premiers ministres, permettent de consolider ces relations. Par ailleurs, nous sommes membres d’organisations internationales et interafricaines et pour cela, chaque fois, nous privilégions la concertation pour harmoniser nos points de vue. Et cela ne peut être qu’un plus au renforcement de cette coopération. Du reste, comme vous le savez, historiquement, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire sont liés. Ce faisant, que nous le voulions ou pas, nous sommes obligés de faire en sorte de renforcer la coopération entre nos deux pays.

« Fraternité Matin » : L’an dernier, des accords de coopération ont été signés dans le cadre du TAC 5. Etes-vous satisfaits de leur mise en œuvre ?

Il est vrai que nous avons signé, lors du 5e TAC, des accords à Yamoussoukro, qui concernent aussi bien les relations entre des universités, des organismes scientifiques, etc. Tout se passe très bien. Bien sûr, dans la coordination de ce genre d’accords, il y a toujours des difficultés çà et là. Mais la volonté politique de pouvoir les conclure, existe. Les points les plus importants sur lesquels nous sommes tenus de poursuivre les discussions, concernent les projets structurants tels que l’autoroute Ouagadougou-Yamoussoukro, le chemin de fer Abidjan-Ouagadougou- Kaya-Tambao. C’est également les points relatifs à l’approvisionnement en énergie, aussi bien électrique qu’en hydrocarbures. Nous allons réactualiser tous ces points et je pense que les discussions que nous aurons autour du TAC 6, vont nous permettre également de voir l’évolution sur ces différentes questions posées. Je voudrais donc vous rassurer que nous sommes satisfaits puisqu’il y a déjà une première évaluation qui a été faite au mois de mars, par les ministres des deux pays. Par ailleurs, les techniciens qui seront là dans le cadre du TAC 6, vont nous permettre de voir où se situent les goulots d’étranglement et comment nous pourrons faire évoluer ces questions.

« Le Pays » : A quand le démarrage effectif des travaux du chemin de fer Ouagadougou-Kaya-Kaya-Tambao ?

Nous avons d’abord un problème qui concerne la réhabilitation de la voie entre Abidjan, Ouagadougou et Kaya. Comme vous le savez, la concession a été attribuée au Groupe Bolloré et nous avons eu une grande discussion sur le montant et la durée de l’investissement. De ce point de vue, ce n’est pas une question qui se limite seulement aux deux pays, puisque nous avons un partenaire privé qui est impliqué. Et cela nécessite que des discussions et des concertations soient menées. Les ministres en charge des Transports des deux pays, sont déjà dans cet élan. Mais au regard de l’importance de la question, nous n’excluons pas que les chefs d’Etat s’impliquent directement dans une discussion avec le Groupe Bolloré autour de cette question, pour nous permettre déjà d’éviter la dégradation continue de la voie entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Concernant la question de Tambao, vous savez que ce projet connaît des difficultés du côté burkinabè, pour des questions de non-respect des engagements de la part de celui qui avait eu le projet. Si fait que nous sommes aujourd’hui en procès. Pour nous donc, l’urgence sera la réhabilitation de la voie pour permettre que, de façon continue et fluide, nous puissions assurer le transport de nos produits sur l’axe Abidjan-Ouagadougou-Kaya.

« Sidwaya » : Vous venez de parler tantôt de l’autoroute Yamoussoukro-Ouagadougou. Qu’est-ce qui est fait du côté du Burkina Faso pour la concrétisation de ce projet ?

Il est vrai qu’en Côte d’Ivoire, la question de l’autoroute connaît déjà une évolution assez importante. Le Burkina Faso a également inscrit ce projet dans ses priorités. Nous avons déjà fait l’étude technique et de faisabilité, en ce qui concerne le tronçon Ouagadougou-Bobo-Dioulasso. L’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) finance une partie de l’étude (de Abidjan à Bobo-Dioulasso). Mais d’ores et déjà, nous avons inscrit dans le cadre du Partenariat public-privé (PPP), le démarrage des travaux entre Ouagadougou et Koudougou. Nous avons procédé à la présélection des entreprises qui pourront réaliser ce travail. A présent, nous allons passer à la seconde phase qui est d’examiner les propositions en vue de signer ce partenariat qui va nous permettre de démarrer cette première partie.

« Sidwaya » : La libre circulation des personnes et des biens est un des objectifs du TAC. Pourtant, sur les routes, cela n’est pas toujours une réalité. Qu’est-ce qui est fait par le Burkina Faso pour atteindre cet objectif ?

Nous sommes dans un contexte où il faut allier cette libre circulation et les questions sécuritaires. Nous avions pris l’engagement de passer de huit postes de contrôle à cinq, mais ce n’est pas encore le cas. Il y a une commission nationale de la sécurité routière, présidée par le Premier ministre, qui doit travailler à la prise de cette décision. Mais soyez assurés que nonobstant les questions de sécurité qui sont posées, nous allons travailler à alléger progressivement ces contrôles, de manière à permettre d’assurer cette fluidité. Mais nous devons toujours avoir à l’esprit que le contexte, dans notre sous-région, est particulier. Ce faisant, nous ne pouvons pas faire comme si le terrorisme n’était pas une réalité avec laquelle nous devons désormais vivre. Libre circulation des personnes et sécurité des citoyens, c’est une combinaison qui n’est pas toujours facile à faire. Mais je crois que si de part et d’autre, nous mettons tout cela en œuvre, ce sont des questions que nous pourrons certainement résoudre.

« Le Pays » : Il y a ce qui se décide au sommet de l’Etat, qui jure avec les réalités sur le terrain, en l’occurrence les corridors. Y aura-t-il des sanctions contre les agents indélicats ?

La libre circulation des personnes et des biens, renferme deux aspects : il y a l’aspect lié aux postes de contrôle, pour lesquels il appartient à chaque Etat de définir les modalités. Et il y a l’aspect relatif aux rackets et autres pratiques sur les routes. En ce qui nous concerne, nous avons mis en place, récemment, la coordination nationale de contrôle de la police. A travers cette décision, nous pensons pouvoir assurer, de façon régulière, le contrôle sur les voies de sorte à pouvoir mettre la main sur toutes ces forces de sécurité qui travailleraient à racketter les voyageurs. Ce qui, non seulement sur le plan de l’image, n’est pas bon, mais aussi crée un certain nombre de distorsions sur le plan économique. C’est un travail qui doit être permanent. Car, chaque fois qu’il n’y a pas de contrôle dans un exercice donné, les mauvaises pratiques reprennent le dessus sur les bonnes. C’est dire que c’est un travail que nous devons assurer de part et d’autre. En tous les cas, je puis vous assurer que cette coordination a produit d’assez bons résultats au Burkina Faso.

« Le Pays » : Le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire rencontrent, comme on le sait, des difficultés économiques. Avez-vous pris des mesures pour que cela n’impacte pas négativement la mise en œuvre de certains projets du TAC ?

Ces difficultés ne sont pas seulement propres au Burkina Faso. Elles affectent toute la sous-région. Nous sommes dans une situation où, indépendamment des croissances économiques que nous avons pu développer dans la zone UEMOA, quand nous élargissons à la zone CEDEAO, nous sommes loin d’atteindre cette croissance-là. Nos économies étant imbriquées, le bonheur des uns a un effet d’entraînement sur celui des autres. De ce point de vue, chaque pays essaie de faire face aux difficultés économiques du moment. Mais il est évident que dans ce contexte, la cadence des projets ne peut pas aller au même rythme. Il faudra certainement prioriser certaines choses par rapport à d’autres. C’est notre rôle en tant que gouvernants, de choisir et de faire ce qu’il y a lieu de faire concrètement. En économie, il y a des moments où nous sommes au creux de la vague, et des moments où il y a de heureux rebondissements qui permettent de bénéficier des vents favorables. Ce sont des réalités auxquelles tous les pays du monde font face. Il nous appartient également d’y faire face de la même manière.

« Sidwaya » : La mise en œuvre du TAC nécessite l’existence d’une certaine stabilité à la fois au niveau social et politique. Or, la Côte d’Ivoire a été secouée ces derniers mois, par des mutineries. Comment avez-vous vécu cela depuis Ouagadougou ?

Tout ce qui a trait à des problèmes de stabilité d’un pays voisin, ne peut pas constituer des moments de réjouissances, mais plutôt des motifs de préoccupations. Nos économies sont tellement imbriquées, nos populations sont tellement liées que toutes conséquences d’une crise en Côte d’Ivoire, sont répercutées forcément au Burkina Faso. C’est pourquoi nous avons vécu cette situation avec beaucoup d’inquiétudes. Nous avons été satisfait du fait que les Ivoiriens, entre eux-mêmes, ont pu trouver des solutions qui ont permis d’éviter le pire. Nous devons saluer tous ceux qui ont été au centre de ces préoccupations, pour avoir eu le sens des responsabilités. Nous devons gérer nos pays en faisant en sorte d’éviter des fractures qui sont de nature à nous ramener encore des dizaines d’années en arrière. Nous avons salué cette sortie de crise et on espère que chacun saura raison garder, pour que la Côte d’Ivoire continue d’avancer dans la prospérité et dans l’unité de ses fils.

« Fraternité Matin » : La question de l’infiltration des forêts ivoiriennes par des clandestins burkinabè, a été soulevée lors du TAC 5. Où en est-on aujourd’hui ?

Lors du dernier TAC, c’était une préoccupation d’ensemble. Mais le mont Péko était le point de focalisation de cette préoccupation. A ce sujet, il faut dire qu’il y a eu beaucoup de concertations entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Quand on parle d’immigration, c’est tout cela à la fois. Avec la désertification qui avance, les populations évoluent plus vers des zones qui leur permettent de produire plus. C’est une réalité mondiale dont nous devons davantage nous préoccuper. Cela dit, grâce à nos concertations concernant le mont Péko en particulier, les Burkinabè ont quitté le mont Péko, même si certains sont restés autour du site. Un certain nombre de Burkinabè ont pu se réinstaller à l’intérieur de la Côte d’Ivoire. Certains y sont restés. Et d’autres nourrissent des ambitions d’un retour au bercail. Nous sommes toujours dans la dynamique des concertations, concernant tous ces aspects. C’est donc un travail que nous devons mener avec beaucoup de tact et sérénité. Il y a plus de 30 forêts classées du même genre en Côte d’Ivoire. Lors d’un sommet, au moment où je discutais de ces questions avec mon homologue ivoirien, la présidente du Libéria nous informait aussi que de son côté, il y avait des Burkinabè. Que voulez-vous, nous sommes des travailleurs, nous aimons la terre. Partout où le sol est fertile, nous sommes présents. C’est une préoccupation des gouvernants. Nous devons garder la sérénité pour traiter ces questions avec beaucoup de responsabilité.

« Fraternité Matin » : Dans quelques jours, se tiendra le prochain TAC, quelles en seront les priorités ?

Dans un premier temps, nous ferons le point de ce que nous avons déjà décidé, c’est-à-dire les projets sur lesquels nous nous sommes déjà engagés. Nous aurons ensuite à rediscuter des points structurants, notamment le projet relatif à l’autoroute Ouagadougou-Yamoussoukro, le chemin de fer, pour y trouver des solutions définitives. Nous discuterons également de la question liée à l’approvisionnement en énergie électrique et d’hydrocarbures. Lors du dernier TAC, nous avons demandé que la Côte d’Ivoire puisse revoir à la hausse son appui électrique, pour passer de 60 à 80 mégawatts en moyenne ; cela a été fait. Nous avons demandé que cela passe à 100 mégawatts. Mais les discussions continuent, car on ne peut demander à la Côte d’Ivoire de nous fournir de l’électricité au-delà de ses capacités. Nous sommes sur le point de passer de 80 à 100 mégawatts d’interconnexion avec la Côte d’Ivoire.

Sur le plan des hydrocarbures, il y a des discussions entre la SONABHY (Société nationale burkinabè d’hydrocarbures) et la SIR (Société ivoirienne de raffinage). Il s’agit, pour nous qui importons sur le marché international, de pouvoir passer par le corridor ivoirien. La discussion sera ouverte. Il y a aussi la mise en place du pipeline entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, qui est aussi un projet structurant en cours, mais pour lequel il y a des études complémentaires à faire sur la viabilité de ce type de projet. Là également, cette question sera au centre des préoccupations. Pour le reste, nous avions réfléchi également, lors du premier TAC, à la mise en place d’un fonds qui va appuyer les jeunes et les femmes. Il s’agira donc de voir comment opérationnaliser ce fonds. C’est un acte fort. Nous allons aussi signer d’autres accords relatifs à la traite des enfants, à la lutte contre les mutilations génitales, etc. Pour l’un des points relatif à la coopération au niveau des frontières et de l’Administration territoriale, la concertation des deux ministres doit également être au centre des préoccupations. Il nous faut aller de l’avant avec ce projet. Voilà un peu le cadre global des discussions que nous aurons lors de ce TAC6. Je pense que ce sont les points les plus importants.

POLITIQUE NATIONALE


Fraternité Matin » : Pouvez-vous nous faire le bilan de vos dix-huit mois passés à la tête de votre pays ?

Pour ma part, je considère que le bilan de ces dix-huit mois est positif. Je pense que la démocratie avance à tous points de vue : liberté de presse, liberté élargie aux citoyens, etc. Même si nous devons y mettre un bémol en nous disant qu’il y a toujours un problème sur les questions de culture démocratique, au regard de l’incivisme grandissant, au regard du fait que certains citoyens pensent qu’ils peuvent agir en dehors des lois de la République. C’est un travail que nous devons assumer, tant du point de vue des sanctions que du point de vue de la sensibilisation. Car, la construction démocratique est un travail de longue haleine. Il y a aussi toutes les questions qui concernent la réconciliation nationale. C’est une préoccupation centrale des Burkinabè. Le Burkina a connu des périodes difficiles. Il faut trouver une formule pour solder les comptes en vue d’avancer. Et à ce propos, je pense que sur le plan de la Justice, le travail est suffisamment engagé sur un certain nombre de dossiers pour que nous puissions arriver à un dénouement de ces questions de justice. Notre souhait, en tant que gouvernement, c’est de pouvoir faire en sorte que le plus rapidement possible, la justice se fasse pour permettre aux Burkinabè de se pardonner, de regarder l’avenir avec sérénité et d’éviter de se polariser sur des questions datant parfois de plus de 30, 60 ans, qui empoisonnent l’atmosphère et ne permettent pas l’unité des fils du Burkina Faso. Au plan économique, nous sommes dans la mise en œuvre du Plan national de développement économique et social (PNDES). Cette table ronde qui s’est tenue en décembre 2016, a eu un fort succès, puisqu’en termes de promesses, le Burkina Faso s’en est sorti avec plus de 18 mille milliards de F CFA. Ce qui témoigne de la validité du programme que nous avons soumis aux partenaires. Cela dit, il y a les promesses d’une part, et la mobilisation des ressources d’autre part. Nous avons fait l’évaluation des projets qui sont « mûrs » en termes de financements (une cinquantaine). Certes, nous avons connu un contexte difficile en 2017, du fait des perturbations au niveau social, les revendications sociales ayant été importantes surtout dans les services les plus emblématique et les plus sensibles de l’Economie (grèves au niveau du Trésor, des Impôts, du ministère en charge des Finances, etc.) qui ont duré près de deux mois et qui, quoi qu’on dise, ont causé un ralentissement dans la mise en œuvre de ce programme. Mais, en tous les cas, nous sommes engagés dans ce programme. Et, pour nous, d’ici à 2020, quand nous ferons le bilan, nous aurons avancé dans la mise en œuvre de ce programme sur ses différents volets. Enfin, au plan institutionnel, nous sommes toujours dans les travaux de la Commission constitutionnelle qui travaille d’arrache-pied pour proposer, de façon consensuelle, une Constitution aux Burkinabè. Pour ma part, je pense que les choses avancent bien. Même s’il est vrai que la situation économique d’ensemble n’est pas toujours facile. Il est vrai également que les syndicats éprouvent le besoin d’améliorer leurs conditions de vie. Mais comme je l’ai toujours dit, nous devons allier le désir d’amélioration des conditions de vie à l’intérêt général. Si nous ne travaillons pas pour accroître nos productions et nos services, ce sera comme ce paysan qui se dit : « cette année, je ne vais pas cultiver parce que mon grenier est plein ». Mais, dans la réalité, en puisant dans son grenier, il s’appauvrit. Chacun doit donc prendre conscience que le développement du Burkina Faso n’est pas seulement l’affaire du gouvernement, mais celle de tous les Burkinabè ; c’est pourquoi chacun à son poste de travail, doit apporter sa contribution à la construction de la Nation. Un pays se construit avec tous ses fils.

« Le Pays » : Pour en revenir au PNDES, un économiste bien connu de chez nous, a eu à dire que le Burkina n’a pas d’avenir avec le PNDES, que lui répondez-vous ?

Si le raisonnement est à ce point primitif, on ne s’en sortira pas. Ce serait prétendre que depuis que le Burkina existe, aucun programme n’a eu d’intérêt pour ce Burkina. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui, sont les problèmes qui existent depuis 1960 dans ce pays.

« Je n’ai pas la prétention, en tant que chef de l’Etat, de régler tous les problèmes du Burkina Faso »

Mais la vision de la gestion d’un Etat, c’est que chacun apporte sa pierre à la construction de l’édifice. Je n’ai pas la prétention, en tant que chef de l’Etat, de régler tous les problèmes du Burkina Faso. Je crois que pour celui qui l’a dit, c’est une vision simpliste, un commentaire de type politique que je ne peux pas prendre en compte. J’estime que si nous avons élaboré un programme qui a été validé au plan international, c’est parce que ce programme présentait une certaine validité. Mais donnons-nous les moyens de le mettre en œuvre. Mais si l’on construit pendant que d’autres détruisent, il est évident qu’on ne pourra pas avancer. C’est pourquoi je préfère interpeller les auteurs de ce genre de déclarations à se mettre plutôt au travail. D’autant que le Burkina Faso est un pays de savane ; on se connaît tous. Chacun a eu l’occasion de montrer ce qu’il pouvait faire. Ce sont des tirades qui n’ont pas d’intérêt pour nous.

« L’Intelligent d’Abidjan » : Le chef de file de l’Opposition (CFOP), Zéphirin Diabré, critique sévèrement votre bilan à mi-parcours. Il dénonce une gestion chaotique de votre gouvernement et déclare que le Burkina Faso est piloté à vue depuis que vous êtes à la tête du pays. Réfutez-vous ces accusations et quels sont vos arguments pour le contredire ?

Je n’ai pas d’arguments. Le CFOP (Chef de file de l’opposition politique) est dans son rôle. Je ne demande pas au CFOP de louer les actions du gouvernement. Mais je demande simplement qu’on ne soit pas dans la

critique facile. D’autant que le rôle de l’opposition, c’est aussi la construction du Burkina Faso. Il est trop facile de rester sans action tout en critiquant. Dans ce cas, quelle est la contribution que vous apportez en termes de propositions ? J’estime que, pour l’instant, le peuple burkinabè m’a investi de sa confiance en m’élisant. Moi, j’assume la mission que j’ai vis-à-vis du peuple burkinabè. Le rôle de l’opposition, c’est un rôle de critique. Si les critiques sont fondées, nous devons les prendre en compte, dans l’intérêt du pays. Ce n’est pas parce que ce sont les critiques du CFOP que nous n’allons pas les prendre en compte. Pour le reste, c’est chacun selon sa conscience et en dernier ressort, le peuple burkinabè sera notre juge à tous.

« L’intelligent d’Abidjan » : Comment expliquez-vous la multiplicité des grèves dans différents services de l’Administration. Et à quoi cela est-il exactement dû ?

Nous revenons de loin. Vingt-sept ans d’un régime, insurrection populaire, nombreuses attentes sociales et, aujourd’hui, libertés plus accrues, il faut le dire. Du point de vue du principe, la liberté syndicale est reconnue au Burkina Faso. Mais du point de vue des actes que chacun doit poser, nous devons toujours nous poser la question de savoir si ces actes que nous posons contribuent à l’intérêt général. Nous, en tant qu’Etat, le principe qui est le nôtre, c’est le dialogue social. Nous sommes ouverts aux discussions avec les syndicats. Nous sommes ouverts pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, mais dans le respect de ce que nous avons. Nous ne pouvons pas partager ce que nous n’avons pas produit. J’appelle donc tout le monde, chacun à son poste, à assurer ses responsabilités. Plus nous ferons faire entrer des recettes, plus nous lutterons contre la fraude et la corruption, et plus nous aurons les moyens d’améliorer les conditions de vie des fonctionnaires en particulier et des Burkinabè en général. Sans ces ressources, les constructions d’écoles, d’hôpitaux, de routes, etc., ce sera de vains mots. Notre intérêt, c’est l’intérêt du peuple burkinabè.

« Le Pays » : Certes, vous vous êtes souvent exprimé sur la question, mais avec le recul et dans votre for intérieur, n’avez-vous pas le sentiment d’avoir commis un péché originel en accédant aux revendications des magistrats ?

Je reste convaincu que ce n’est pas un péché originel. Pour ma part, je considère que l’Etat est une continuité. La loi 081 a été acceptée sous la Transition, tout comme le texte relatif aux magistrats. Le gouvernement s’est engagé et je dois vous dire que lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, aucun kopeck n’était prévu au budget de l’Etat pour respecter cet engagement. Nous avons été obligés de faire des efforts parce que c’est un engagement pris vis-à-vis des travailleurs burkinabè. Si nous ne le faisions pas au motif que ce n’était pas inscrit au budget de l’Etat tout en mettant en avant les difficultés, peut-être ne serions-nous pas assis là aujourd’hui en train de vous parler. Nous avons respecté les engagements parce que l’Etat doit respecter ses engagements vis-à-vis des citoyens, quels que soient les changements. Nous aurions pu dire que nous sommes arrivés au pouvoir, que nous avons trouvé des problèmes et que nous ne pouvons rien faire. Est-ce que les gens nous auraient compris ? On nous fait aujourd’hui des reproches en nous disant que si nous n’avions pas accédé aux revendications des magistrats, cela n’aurait pas déclenché tout le reste. Je reste sceptique face à cette analyse. Cela dit, je ne suis pas surpris par ce bouillonnement car, je disais tantôt que la démocratie au Burkina, avance à tous points de vue. Mais il faudra qu’à un moment donné, nous puissions tous nous mettre à l’esprit que le Burkina Faso doit continuer à exister et à se développer. Malgré la modicité de ses moyens, le Burkina Faso montre toujours aux Africains qu’il a un peuple courageux et que sa richesse, c’est le travail. Si nous ne mettons pas cela au centre de nos préoccupations, nous serons toujours dans une situation où nous aurons un Burkina Faso qui, au lieu d’avancer, va vivoter parce qu’on aura eu tort de croire qu’il y a de l’argent à se partager.

L’Intelligent d’Abidjan : Les coupures d’électricité sont récurrentes dans certaines grandes villes du pays telles que Bobo-Dioulasso, alors que vous vous êtes engagé, dans votre Projet de société, à porter la puissance électrique produite par le Burkina Faso de 300 Mégawatts à 1000 Mégawatts. Avez-vous pu atteindre cet objectif ou est-ce que des progrès ont été réalisés dans le secteur de l’énergie ? Quel est le taux d’électrification aujourd’hui au Burkina Faso ?

De façon objective, dire qu’en six mois, nous allons aller vers 1000 mégawatts, serait illusoire. Nous avons adopté le Plan national de développement économique et social (PNDES) avec les partenaires, en décembre 2016. Nous sommes en juillet 2017. Au sortir de la table ronde, nous ne sommes pas rentrés au Burkina avec des caisses d’argent. En tous les cas, nous travaillons efficacement à atteindre ces objectifs. Mais une chose, ce sont les engagements que les gouvernements prennent, et une autre, ce sont les dysfonctionnements techniques que l’on peut constater, qui ne sont pas dus aux gouvernants. C’est pourquoi, par rapport à l’énergie fournie par la Côte d’Ivoire, de temps en temps, il y a des baisses au niveau de l’approvisionnement, qui font que Bobo-Dioulasso par exemple, se retrouve parfois dans le noir. Par conséquent, il faut commencer à redynamiser les groupes ; toutes choses qui créent des distorsions. En tout état de cause, nous avons pris un certain nombre d’engagements, notamment de travailler à produire aussi de l’énergie solaire. Pour ce faire, nous allons inaugurer bientôt, au mois de septembre prochain, la première centrale qui aura une capacité de plus de 30 mégawatts, ce qui permettra de renforcer les capacités de la SONABEL en matière d’électrification. Avec l’AFD (Agence française de développement), deux autres centrales de ce même type seront mises en place en 2017-2018, pour permettre d’accroître le potentiel électrique. Nous avons aussi pris l’engagement d’électrifier les zones rurales. Il y a un travail qui a déjà commencé. Je peux, en tout cas, vous assurer que d’ici à 2020, nous ferons en sorte

que la question de l’électricité ne soit plus une préoccupation pour les Burkinabè. Nous sommes tenus également de renforcer nos capacités en matière d’énergie solaire. Car, un de nos objectifs également, c’est de pouvoir faire en sorte de baisser le coût de l’énergie. Une des difficultés d’investissement au Burkina, c’est le coût de l’électricité. C’est un facteur qui annihile toutes nos capacités de production et d’exportation. Nous sommes en train de réfléchir aussi à la possibilité de produire de l’électricité à partir du gaz. En tout cas, nous ferons en sorte que la fourniture d’électricité ne soit plus une préoccupation fondamentale au Burkina Faso d’ici à 2020.

« Le Pays » : On peut donc s’attendre à la fin des délestages d’ici à 2020…

(Rire). Je pense que dès l’année prochaine, il y en aura moins. On doit pouvoir dire que les délestages sont moins importants aujourd’hui.

« Le Pays » : Les Burkinabè se plaignent du fait que la relance économique tarde à voir le jour. Qu’avez-vous à dire pour les rassurer ?

Je l’ai dit, nos économies sont interactives. Nous ne pouvons pas parler d’un Burkina qui a une relance économique, dans une situation de morosité générale. Nous avons pris les rênes d’un pays qui connaissait déjà un contexte assez difficile à tous points de vue. Je citerais notamment le fait que la dette intérieure constituait déjà une préoccupation. Le gouvernement a fait l’effort, l’an passé, pour que nous puissions payer environ 30 milliards de F CFA. Cette année, nous nous sommes engagés encore à payer 30 milliards de F CFA. Quand on fait le point, on voit bien que ce sont des problèmes qui ne sont pas encore complètement résolus. C’est vous dire qu’il y a un travail qui est fait à ce sujet. Il faut dire aussi que lors de la Transition, Il y a eu des requêtes relatives aux casses d’usines, de commerces, etc. Toutes choses qui se chiffrent à près de 60 milliards de F CFA. Sans compter les contentieux dont nous avons hérité et qui se rapportent notamment au manganèse de Tambao. A ce niveau, il était question de plusieurs dizaines de milliards de F CFA à payer. Nous sommes tout à fait d’accord qu’il faut relancer la machine de l’économie.

« L’économie ne peut pas être relancée de façon solitaire »

Mais je voudrais que les Burkinabè comprennent que l’économie ne peut pas être relancée de façon solitaire. C’est une action globale qui concerne tous les pays. Partout, dans notre sous-région, les difficultés sont nombreuses. Les Burkinabè pensent que le cas du Burkina est particulier, que chez nous, c’est pire que partout ailleurs. Il faut que les gens sortent un peu pour comprendre un peu plus. Nous aussi, nous nous battons comme on peut, avec les moyens dont dispose le Burkina. Ce n’est pas toujours facile. Mais je pense, en tout cas, que des efforts sont faits pour pouvoir relancer l’économie. Quand vous arrivez au pouvoir et que vous trouvez qu’il y a de l’embellie, évidemment, c’est à votre bénéfice. S’il n’y a pas d’embellie, c’est en votre défaveur. Mais il faut travailler à tenir jusqu’à ce que l’embellie puisse nous relancer vers de nouveaux succès. Encore une fois, nous devons tenir compte du contexte qui est difficile. Mais j’ai bon espoir qu’on sortira de cette situation.

« L’Intelligent d’Abidjan : Vous avez reçu, le lundi 29 mai 2017, le rapport général d’activités 2015, de l’autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption ( ASCE-LC), des mains du contrôleur général, Dr Luc Marius Ibriga. Il ressort de ce rapport que l’ancien président du Faso, Blaise Compaoré, est celui qui doit rembourser la somme de près de 4 milliards de F CFA. Vous qui avez reçu ce rapport, dites-nous de façon claire, comment ce remboursement va-t-il se faire puisque cette personnalité est hors du Burkina Faso.

Si ce n’était que 4 milliards de F CFA, je dirais que ce ne serait pas la mer à boire. Mais, je tiens à dire que la procédure se présente comme suit. D’abord, l’ASCE-LC fait ses contrôles. Après la production de son premier rapport, elle donne la possibilité à ceux qui sont soupçonnés de corruption ou de détournement, de donner des explications. Une fois que les explications sont données, l’Autorité décide d’envoyer les dossiers, selon les cas, à la Justice qui se charge de les traiter. Ensuite, les décisions prises au niveau de la Justice définissent les modalités de remboursement, des saisines ou autres actions qui peuvent en découler. C’est pour dire que la lutte que l’Autorité mène contre la mauvaise gestion, est un travail fondamental. Il faut que sur l’ensemble de la chaîne, nous nous mettions tous en action avec une certaine célérité, pour bénéficier également d’une crédibilité. Car, il est évident que si des dossiers sont envoyés et qu’ils ne sont pas traités rapidement, cela peut donner un sentiment d’impunité. Si des agents sont soupçonnés d’avoir pris directement de l’argent dans des caisses, et que cela est avéré, il faut que là également, l’ensemble des structures se mettent en place pour que des sanctions idoines soient prises. Cela me semble important. Je le dis, parce que s’agissant de la Fonction publique et de l’Administration, il y a des comités qui sont mis en place et qui intègrent aussi bien des directions que des syndicats, afin de pouvoir prendre des sanctions. Mais parfois, il est difficile de les réunir. Cela pose toujours problème et nourrit le sentiment qu’il y a de l’impunité. Mais, j’ai instruit le gouvernement de sorte à ce que nous puissions prendre des dispositions afin que lorsqu’il y aura des cas de ce type, des mesures conservatoires soient prises. Sur les dossiers qui sont déjà en justice, il y a déjà eu beaucoup de débats pour dire qu’il faut accélérer le processus pour permettre à l’Etat de recouvrir les fonds qui lui ont été extorqués à un moment donné. Ce sont des procédures qui sont en cours et qui concernent aussi bien les autorités que les agents d’une manière générale.

Sidwaya : La gratuité des soins pour les femmes et les enfants de 0 à 5 ans, a connu des difficultés sur le terrain en ce sens qu’elle ne concerne pas toutes les maladies. Est-ce qu’à ce propos vous avez tiré des leçons et quelles améliorations comptez-vous apporter pour changer la donne ?

Comme je l’ai toujours dit, au moment où nous mettions en œuvre cette décision, il a été bel et bien précisé que c’était une décision qui allait connaître une évolution progressive avant de s’étendre à l’ensemble du territoire national. Et, sans me tromper, je pense que c’est une mesure qui a été salutaire, aussi bien pour les femmes enceintes que pour les enfants. Chaque fois que je suis sorti, beaucoup de gens m’ont salué et félicité pour ces actions. Il est évident que c’est une action volontariste et engagée que nous avons prise. Le ministre de la Santé en a fait le bilan et sa couverture est à environ à plus de 50, 60%. Je pense donc que nous devons saluer cette initiative. Nous sommes également en train d’identifier les difficultés. Vous savez aussi qu’il y a eu une période où il y avait des problèmes à la Centrale d’achat des médicaments essentiels génériques et des consommables médicaux (CAMEG) et ces problèmes ont été des freins objectifs à l’évolution qualitative du programme. Mais, je peux vous assurer que toutes les dispositions seront prises pour que la couverture soit nationale. Je profite de l’occasion pour féliciter les Burkinabè, notamment les pharmaciens qui sont en train de s’organiser pour mettre en place une unité de production locale de médicaments génériques à des conditions intéressantes. En collaboration avec la CAMEG, cela va permettre d’avoir une mise à disposition des médicaments et d’éviter chaque fois de commander des produits depuis des pays très lointains. C’est un engagement sur lequel nous n’allons jamais reculer et nous entendons le parachever de façon fondamentale.

« Le Pays » : Lors du dernier TAC, vous avez promis aux Burkinabè vivant en Côte d’Ivoire, que le gouvernement ferait tout pour qu’ils puissent voter en 2020. Cet engagement sera-t-il respecté ?

Sur cette question, il ne doit même plus y avoir de doute. Cela fait quand même 15 ans que cet engagement a été pris, 15 ans qu’il n’a pas été respecté et si nous bouclons les 20 ans sans pouvoir le faire, je pense qu’il y aura de la mauvaise foi. Il n’est pas admissible que pratiquement tous les pays qui nous entourent, organisent des votes et que c’est seulement au Burkina Faso que cela devient une complication je dirais, « extraterrestre ». Non, ce n’est pas possible. C’est pourquoi toutes les structures relevant de cela, ont été instruites, en l’occurrence, l’Administration territoriale, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et l’Office national d’identification (ONI), pour que nous travaillions à ce que cela soit une réalité en 2020. Il n’y a aucune discussion là-dessus. Pour moi, 2020, ce sera l’année du premier vote des Burkinabè de l’étranger.

« 2020, sera l’année du premier vote des Burkinabè de l’étranger »

C’est un point sur lequel il n’y a même pas de concession.

« Fraternité Matin » : Cela va concerner tous les Burkinabè vivant à l’étranger ou ce sera seulement dans certains pays ?

La CENI peut-être le fera sur la base d’un quota. Parce que si vous devez vous déplacer pour aller dans un coin où il y a 25 Burkinabè seulement par exemple, ce ne se sera pas vraiment intéressant, au regard du coût que cela va engendrer.

« Le Pays » : Mais avec la modification annoncée du Code électoral, ne pensez-vous pas que cela pourrait jouer sur cet engagement ?

Là-dessus, il n’y a pas beaucoup de discussions à faire. D’abord, parce que le Code électoral ne peut-être fondamentalement modifié qu’après l’adoption de la Constitution. Ensuite, si nous décidons, après avoir entériné par consensus le projet de Constitution, d’aller au référendum maintenant, il n’est pas possible pour des Burkinabè de voter. Puisque dans l’ancien texte, il est prévu qu’ils peuvent voter à la présidentielle et au référendum. Cela ne sera pas réaliste. C’est pourquoi la seule modification qui vaille la peine, si on devait la faire, si on devait voter maintenant, c’est de dire que de façon transitoire, les Burkinabè ne pourront pas participer au vote du référendum. Si ce n’est pas le cas, ce n’est pas maintenant que nous devons adopter la Constitution. A ce moment-là, cela se fera à une autre date et si on est prêt, ils participeront. C’est le seul point. Sinon, pour moi, tout le reste n’est pas à l’ordre du jour tant que la Constitution n’est pas adoptée.

Fraternité Matin : Puisqu’on parle des Burkinabè de l’étranger, quelle est la place qu’ils occupent dans le Plan national de développement économique et social (PNDES) ?

C’est une place qui est fondamentale. L’un des reproches qui avait été toujours fait au Burkina Faso, c’est de ne pas associer les Burkinabè de l’étranger aux activités politiques, économiques et sociales du pays. Pour pallier cela, le ministère en charge des Affaires étrangères a mis en place un site pour capitaliser l’ensemble des idées que les Burkinabè de l’étranger vont émettre et avoir un dialogue permanent avec tous ceux qui sont dans les différents pays, sur plusieurs préoccupations. Par ailleurs, nous faisons en sorte qu’au cours de chacune de nos sorties, ils soient suffisamment sensibilisés pour savoir que c’est important d’investir dans leur pays. Que ce soit personnellement ou avec des partenaires, il est important qu’ils sachent, de là où ils sont, que nous avons besoin de leurs contributions à l’édification d’un Burkina de type nouveau, où ils ont leur place. Sur les questions d’ordre social dont l’habitat, l’urbanisme, il y en a qui ont investi dans leur pays d’accueil, et qui souhaitent qu’il y ait une attention particulière à leurs égards, afin de leur réserver des parcelles pour qu’ils puissent construire dans leur propre pays. Ce sont des possibilités qui existent. C’est pour dire qu’en ce qui nous concerne, cela est important et nous sommes en train de réfléchir à la possibilité de trouver un moment pour qu’il y ait une sorte de forum qui permettra à tous d’apporter des contributions qui permettront de dégager ce qu’ils peuvent apporter à l’édification du pays.

« Le Pays » : D’aucuns soupçonnent le parti au pouvoir de travailler en sous-main pour retarder l’avancée de certains dossiers pendants en justice. Que leur répondez-vous ?

Nous n’avons pas intérêt à travailler en sous-main. Cela ne profite à personne. Le peuple burkinabè veut savoir la vérité sur un certain nombre de crimes politiques et économiques. Nous avons un devoir et c’est celui de faire en sorte qu’à tous les niveaux, il puisse y avoir la justice qui nous permette de savoir comment les choses se sont passées. Sans entrer dans une logique de remise en cause de l’indépendance de la Justice, notre volonté affichée, c’est que ces questions soient résolues. Plus nous retardons, plus il y a ce genre d’allégations. Quel intérêt avons-nous à ce qu’il n’y ait pas la lumière sur des questions qui, en plus d’être des préoccupations des citoyens, concernent des familles entières. Pour ma part, je souhaite que la lumière soit faite et que chacun, en fonction du rôle qu’il a pu jouer, en son temps, puisse s’assumer devant le peuple burkinabè. Ce que le Burkinabè cherche, ce n’est pas à se venger de quelqu’un. Il a besoin qu’on lui dise par exemple : « Je suis responsable de ça ». A ce moment-là, il pourra pardonner parce que l’on aura eu le courage de lui dire les choses en face. Je crois que cela est important et les gens n’en demandent pas plus.

« Nous ne faisons pression sur personne. La Justice est libre de faire ses investigations »

De ce point de vue, je voudrais lever toute équivoque : nous ne faisons pression sur personne. La Justice est libre de faire ses investigations, de convoquer qui elle veut et d’assumer sa mission vis-à-vis du peuple burkinabè. Sur ce plan, il n’y a vraiment pas de doute à se faire.

« L e Pays » : Que pensez-vous de la décision du Conseil constitutionnel qui avait été saisi par les avocats de la défense dans le procès du dernier gouvernement de Blaise Compaoré ?

Pour moi, c’est plus ou moins un problème déjà résolu. Les choses telles qu’elles se sont passées, montrent bien que les institutions fonctionnent normalement, en toute indépendance et que le droit a été dit. Dès ce moment, il appartenait au gouvernement de prendre les dispositions pour se conformer aux normes internationales. C’est ce que nous avons fait. C’est un grand bien pour la jurisprudence de notre pays et également un ouf de soulagement pour tous les citoyens, de savoir que le pays est revenu sur les normes internationales en ce qui concerne le procès du dernier gouvernement de Luc Adolphe Tiao. J’espère que les choses pourront se poursuivre maintenant dans de bonnes conditions.

« Sidwaya » : Il y a une structure onusienne, le Haut-commissariat aux droits de l’Homme pour ne pas le nommer, qui juge illégale la détention de Djibrill Bassolé et qui demande sa libération. Quel est votre commentaire par rapport à cette question ?

Nous avons pris acte de leur prise de position. Mais, véritablement, le Burkina Faso, dans cette affaire, reste conforme aux règles du droit. Nous pensons simplement que Djibrill Bassolé a été arrêté sur des bases spécifiques. Jusqu’à preuve du contraire, nous sommes restés dans le respect de la légalité. Le processus est en cours vers le jugement. Donc, nous sommes quand même surpris qu’une telle position puisse être prise. Depuis lors, combien de lobbying et de pressions nous n’avons pas subies sur cette question ! Nous sommes signataires d’un certain nombre d’accords internationaux mais au regard des faits qui sont reprochés à Djibrill Bassolé, il a des comptes à rendre au peuple burkinabè. Cela me semble plus important. Nous sommes dans l’axe de la tenue de ce procès qui sera un procès équitable et respectant les normes du droit international. C’est ce qui est important pour moi.

« L’Intelligent d’Abidjan » : Mais, selon ses avocats, Djibrill Bassolé souffrirait d’un problème de cœur. Ne trouvez-vous pas qu’une liberté provisoire pourrait lui être accordée pour qu’il puisse se soigner ?

En tant que chef de l’Etat, je suis responsable de la santé de tous les Burkinabè. Si des questions sont posées sur des personnes qui ont été interpellées dans ce cadre et que cela met en cause leur situation vitale, l’Etat burkinabè assumera ses responsabilités. Il n’y a pas de doute là-dessus. Les activités de lobbying et de pressions se déroulent tous les jours. Qu’à cela ne tienne, nous avons des responsabilités vis-à-vis de ces personnes. Car, même s’il lui est reproché quelque chose, nous devons être présents et assumer le fait que ce sont des personnes qui doivent être en bonne santé. A ce propos, je pense qu’un dispositif a été pris pour qu’il y ait des professeurs, des gens qui le suivent régulièrement et qui rendent compte de son état de santé. En tous les cas, notre responsabilité en tant qu’Etat, est engagée. Donc, que ce soit Djibrill Bassolé ou tout autre personne, si le diagnostic vital est posé, nous assumerons nos responsabilités.

« Le Pays » : Pour vous donc, le Haut-commissariat des droits de l’Homme de l’ONU s’est fourvoyé...

Nous allons passer par les méthodes idoines pour leur répondre. Nous avons un droit d’argumentaire et nous le ferons par les canaux qui sont habilités.

L’intelligent d’Abidjan : M. le président, les populations du Nord du Burkina Faso sont traumatisées. Elles vivent dans une terreur absolue due à une recrudescence d’attaques terroristes. Ne craignez-vous pas de perdre le contrôle de cette partie du territoire face à une montée en puissance des djihadistes ? Et que fait votre gouvernement pour mettre en confiance et sécuriser cette population ?

Si nous perdons une partie de ce territoire, c’est que nous avons failli à notre mission. L’intégrité du territoire est une question fondamentale et cela fait partie des missions que je me dois d’assumer en tant que président du Faso. Nous avons traversé des périodes difficiles, aussi bien à travers les attaques en plein centre de Ouagadougou, que par les attaques que nous avons subies au Nord, allant jusqu’aux attaques sur des instituteurs et des écoles. Mais grâce à l’action de nos forces de défense et de sécurité, nous avons un réel contrôle sur les frontières de notre pays. Comme vous pouvez le constater, nous avons pu organiser les examens dans certaines écoles situées dans cette zone. Sachez que nous travaillons, sans relâche, grâce à l’action des forces de sécurité et de défense qui travaillent dans des conditions qui ne sont pas toujours faciles, à faire en sorte à mettre un frein à ces attaques djihadistes. En plus, au-delà de l’action individuelle du Burkina Faso, nous sommes membre du G5 Sahel où, avec le Mali, le Niger, le Tchad et la Mauritanie, nous avons décidé de lutter contre le terrorisme. Nous avons eu notre dernière réunion le 2 juillet 2017, à Bamako, au Mali. Nous avons décidé de mettre en place cette force qui va avoir un état-major général pour coordonner l’ensemble des actions, étant entendu que nous avons trois fuseaux sur lesquels les forces doivent être déployées. A savoir, le fuseau qui concerne la frontière entre le Mali et la Mauritanie, la frontière entre le Niger et le Tchad et les frontières entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Nous devons fournir 5 000 Hommes dont un bataillon au Burkina, pour cette zone. A ce sujet, je peux vous dire que notre présence sur le terrain est déjà conforme à cette situation. C’est dire que la lutte contre le terrorisme est une affaire d’Etat pour le Burkina Faso, mais également une affaire sous-régionale et internationale. Puisqu’au-delà, la lutte contre le terrorisme est une lutte militaire avec à la clé, les renseignements et autres, elle doit aussi se mener contre l’assèchement des sources d’approvisionnement et de financement du phénomène avec la vente de drogue, le trafic d’armes et les prises d’otages. Enfin, ce doit être une lutte pour le développement de ces zones. Car, cela ne peut pas être une guerre de tous les jours. Il faut travailler à s’attaquer au terreau sur lequel les terroristes se fondent pour recruter les gens. Ce sont, entre autres, le chômage et le manque de développement réel de ces zones. Il faut travailler à cela. Ce sont des engagements que nous avons eu à prendre entre nous, membres du G5 Sahel, mais également avec la communauté internationale afin de contrer l’action des terroristes. Car, c’est clair, le Burkina Faso est un verrou important. Si nous laissons le phénomène avancer et nous déstabiliser, cela peut s’étendre aux pays côtiers. La dernière fois, ceux qui ont perpétré l’attentat à Ouagadougou, sont les mêmes qui ont attaqué à Grand-Bassam. C’est pourquoi la coopération au plan du renseignement entre nos pays, est très importante afin de circonscrire le danger et le combattre.

« Fraternité Matin » : Parlant de cette force du G5 Sahel, comment comptez-vous résoudre la question de son financement ?

Cette question a été posée et l’Union européenne a donné 50 millions d’euros. C’est une importante décision que nous saluons. La France a pris des engagements pour un apport en matériels légers pour le transport des troupes. Il y a également des possibilités d’aider au plan de la formation, de l’équipement, etc. En tant que membres du G5 Sahel, nous avons pris l’engagement pour que chaque pays puisse contribuer à hauteur de 10 millions d’euros. Car, en attendant que tout le dispositif soit mis en place, nous sommes censés, nous-mêmes, avancer dans la mise en œuvre de la force. C’est-à-dire, mobiliser les troupes et leur donner des moyens de fonctionner en attendant que tout le reste du dispositif soit opérationnel. Car, il est difficile de vouloir lutter contre le terrorisme en comptant uniquement sur les autres. Il faut que nous puissions nous organiser dans ce sens et cela fait partie des mesures qui sont prises en attendant la coordination de nos partenaires pour assurer une meilleure sécurité de nos frontières et lutter efficacement contre le terrorisme. Cela aussi, parce que lorsqu’on parle de drogue, c’est une préoccupation internationale sur laquelle il faut avoir une visibilité. Et, il faut que tous les pays puissent participer à ce type de combat.

« Sidwaya » : Une certaine opinion dit que vous êtes trop silencieux, même devant les situations où il est nécessaire de réaffirmer l’autorité de l’Etat. Avez-vous choisi le silence comme mode de gestion du pouvoir ?

Non, je n’ai pas choisi le silence comme mode de gouvernance. Mais, je pense qu’en tant que chef de l’Etat, je dois parler quand c’est utile. Il y a un gouvernement, et il doit s’assumer sur les missions qui sont celles de tous les jours. Si je commence à parler tous les jours, on dira que le président travaille à la place des autres ou qu’il est omniprésent. Cela n’est pas mon rôle. J’estime que quand il s’agit de questions fondamentales qui menacent la vie de la Nation ou sa cohésion, je suis obligé d’intervenir. Je crois que tant que cela était possible, j’ai toujours pris la parole chaque fois que les questions de grande importance comme le terrorisme, ou autres, se sont posées.

« Je ne suis pas une carpe »

Ce n’est pas parce que le président a un mode opératoire ‘’silence’’, je ne suis pas une carpe. Mais je dis tout simplement que c’est un mode qui tient compte de mon souci de respecter les institutions et de faire jouer à chacun son rôle. Les gens souhaiteraient que, tous les jours, quand il y a un petit problème, je parle. A la fin, cela n’aurait plus d’intérêt. Le président doit être, quand même, la dernière barrière qui tranche les questions. Si je parle au quotidien, je risque de m’immiscer dans bien des affaires et c’est vous, encore, qui tirerez sur moi à boulets rouges. (rire dans la salle).

« Le Pays » : Justement sur cette lancée, est-ce que vous n’avez pas un pincement au cœur, quand on taxe votre régime de moteur diesel ?

J’entends beaucoup parler de cela. Mais je pense qu’en matière économique, il n’y a pas de turbo à mettre. Vous voyez très bien que nous avons toujours des difficultés. Cela s’explique par le fait que les gens veulent qu’on mette le turbo avec des méthodes au diesel. Cela ne peut pas fonctionner ainsi.

Il y a des domaines dans lesquels nous travaillons avec des partenaires financiers et techniques qui ont des financements pour lesquels il y a des règles de jeu, et il n’y a aucun problème là-dessus. Mais il y a aussi ce que nous avons prévu de faire dans le cadre des Projets partenariats public-privé (PPP) notamment. Quand nous disons qu’il faut aller vite, dans un certain nombre de domaines, on nous rétorque que nous voulons accélérer la mise en œuvre de certains projets parce qu’on veut favoriser la corruption.

Si on accélère, on dit que c’est trop vite, et si on ralentit, on dit que c’est du diesel.

Je pense que l’intérêt pour certains, à travers tous ces commentaires, c’est de nous pousser à maintenir une certaine stagnation où finalement, ils auront beau jeu de dire « ils ont dit qu’ils feraient quelque chose, ils n’ont rien fait ». Nous, nous avançons à pas sûrs et fermes. Il faut savoir ce qu’on veut dans la vie.

On veut aller vite et il faut se donner les moyens d’aller vite, même s’il est vrai qu’il faut aller sur des bases bien fondées au risque d’avoir des dérapages qu’on ne pourra pas contrôler. J’entends des gens dire que nous voulons faire du gré à gré, etc. Pendant la période de la Transition, tout était fait sur la base du gré à gré et personne n’a trouvé à redire.

Et quand nous, nous voulons réaliser des choses, on nous dit de passer par les appels d’offres pour qu’on contrôle. Vous voulez qu’on fasse quoi ? C’est vrai que la Transition, c’était plus ou moins un Etat d’ « ’exception » parce qu’elle avait devant elle, seulement un an et il fallait aller vite.

« Le Pays » : Par rapport au PPP, est-ce que vous pensez que c’est une mauvaise querelle que l’Opposition politique fait au MPP ?

En écoutant certains arguments, j’ai entendu dire que tout cela a été mené dans la précipitation, pour des objectifs inavoués. Je pense que ce n’est pas cela la raison. Les vraies raisons, c’est que nous avons initié des projets pour lesquels nous n’avons pas de financements. Nous demandons à avoir un partenariat. Alors, si quelqu’un vient nous dire qu’il a regardé de près, tel projet et que cela peut l’intéresser, nous disons que l’essentiel est de mettre des mercuriales de prix pour que nous soyons clairs sur les montants des passations de marchés que nous avons. Il faut s’entourer de règles et de juristes compétents pour que nous puissions, contractuellement, mettre en place des contrats fiables. Nous devons, dans le cadre des PPP, travailler avec des gens qui ne viendront pas seulement au gré du ventre, mais qui ont les moyens de pouvoir investir et réaliser les projets que nous leur donnons.

Par ailleurs, je considère que ces PPP que nous signons ou que nous voulons réaliser, doivent faire l’objet, a posteriori, d’une investigation de l’Autorité de contrôle, pour s’assurer que les choses se sont déroulées dans les règles de l’art. C’est tout ce travail que nous devons faire pour permettre d’avancer sur un certain nombre de gros dossiers pour lesquels nous n’avons pas le financement cash maintenant, mais pour lesquels quelqu’un d’autre peut avoir les moyens de pouvoir réaliser ces projets pour le bonheur du peuple burkinabè. Cela est simple à comprendre. Tous les instruments de contrôle sont là. Le Parlement peut interpeller le gouvernement, l’Autorité de contrôle est là pour assurer le contrôle. Donc, j’estime qu’il y a un faux procès. Si on disait qu’en ce qui concerne le PPP, il suffisait d’aller voir le Président du Faso pour qu’il signe le contrat, là, je comprendrais les critiques.

C’est pourquoi j’estime que c’est un faux procès. En réalité, nos contempteurs craignent de voir beaucoup de projets se réaliser, si nous arrivons à atteindre nos objectifs ; ce qui ne serait pas bon pour eux. Ils veulent donc nous pousser à repartir aux appels d’offres qui durent de huit à dix mois.

« Le Pays » : Il reste que dans le classement des services les plus corrompus, les marchés publics occupent la deuxième place. C’est ce qui ressort, du moins, du rapport 2016 du REN-LAC. Cela ne vous laisse pas, quelque part, perplexe ?

Les marchés publics ont été toujours les secteurs à difficultés. C’est ce qu’on dit ; quand on resserre trop les procédures, cela favorise la corruption. Parce que les gens sont tentés par les dessous-de-table. Quand on allège, on dit aussi qu’on favorise la corruption. La solution, c’est d’assurer le contrôle absolu sur les passations de marchés. Sur la question, nous devons travailler au maximum à réduire le champ de la corruption.

Tous ceux qui parlent, à travers le monde, de la corruption, savent bien qu’il n’y a pas un Etat exempt du phénomène. Mais nous, nous devons mettre un système qui nous permet de réduire le phénomène. Pour tous les financements publics qui sont faits, par exemple, dans les Etats africains, la part de la corruption annihile même les efforts de développement. C’est cela la réalité. C’est pourquoi je dis qu’il faut toujours mettre un bémol. Je crois que le REN-LAC fait un grand effort de sensibilisation et il faut prendre en compte ses avis et voir comment nous pouvons améliorer les mécanismes sans les rendre trop contraignants.

SUJETS DIVERS

« L’Intelligent d’Abidjan » : Parlant de la Côte d’Ivoire, vous vous y êtes rendu plusieurs fois depuis votre élection, sans jamais rencontrer l’ancien Président Blaise Compaoré qui vit en exil dans ce pays. Vous avez même exclu toute idée de rencontre avec lui à Abidjan. Alors, dites-nous si votre position a changé en ce qui le concerne et qu’est-ce que cela vous a fait en tant que Burkinabè, lorsque vous avez appris qu’il est devenu Ivoirien, avec bien entendu tous les avantages que cette nouvelle nationalité lui confère ?

Qu’il soit devenu Ivoirien, c’est son choix. Pour ma part, je considère qu’après avoir été président d’un pays 27 années durant, qu’on décide de changer ensuite de nationalité, c’est un peu difficile à avaler. Cela dit, j’ai eu à dire que je ne suis pas venu en Côte d’Ivoire pour rencontrer Blaise Compaoré. Blaise Compaoré a quitté le Burkina Faso dans des conditions que nous connaissons. La Côte d’Ivoire a accepté de lui offrir l’hospitalité. Je fais le constat que c’est un cas d’exception. Car, si vous observez bien, de façon générale, il n’y a pas beaucoup d’anciens dirigeants qui quittent de cette façon, leur pays, pour vivre dans un pays voisin.

« Fraternité Matin » : Mais il y a eu quand même le cas de Maurice Yaméogo qui vivait en Côte d’Ivoire….

Maurice Yaméogo est finalement revenu au pays. En tous les cas, je ne vois pas la raison pour laquelle, en séjour en Côte d’Ivoire, je rencontrerai Blaise Compaoré ; pour lui dire quoi d’ailleurs ?

Pour moi, le plus important, c’est que chacun doit, dans les actes qu’il a posés, assumer ses responsabilités. Ce n’est pas avec Rock Marc Christian Kaboré qu’il y a un problème, mais c’est avec le peuple burkinabè. En allant voir Blaise Compaoré, ça n’enlève rien au problème pour lequel le Burkina Faso et le peuple demandent des comptes.

Pour l’instant, en tout cas, je ne vois pas l’intérêt d’une rencontre. Je considère que le plus important, pour lui, aujourd’hui, comme les autres le font d’ailleurs, c’est de venir assumer ses responsabilités vis-à-vis du peuple burkinabè.

« Le Pays » : Vous accepteriez de lui serrer la main…. ?

(Eclats de rires) On va se rencontrer où ? Si on se rencontre, je le saluerai mais je ne sais pas où nous allons nous rencontrer. S’il n’y a pas de rendez-vous, je ne vois pas comment on va faire pour se serrer la main. Mais ce n’est pas un problème de personnes. C’est plutôt un problème de principe. J’ai la responsabilité de l’Etat. Le peuple burkinabè demande des comptes, c’est là-bas qu’il faut régler le problème.

« Sidwaya » : Et si rencontrer Blaise Compaoré était une nécessité vitale pour notre pays. Le feriez-vous ?

(Rires). Mais pourquoi voyez-vous les choses en termes de vitalité ? Comme on dit parfois, à situation exceptionnelle, comportement exceptionnel. Je n’ai pas de situation vitale d’abord qui nécessite cela.

« Sidwaya » : Nous sommes à quelques jours de la tenue du 6e TAC, quel message avez-vous à l’endroit des populations ivoiriennes et burkinabè ?

Comme je l’ai dit au début, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso sont liés par l’histoire et la géographie. Je pense que cela nous interpelle de part et d’autre. Au-delà de toutes considérations, il y a une fraternité certaine entre les deux pays. Il est évident que nous dépendons fortement les uns des autres. Je ne cesse de le rappeler, la communauté burkinabè en Côte d’Ivoire est très importante et elle vit en symbiose avec le peuple ivoirien. Notre souci, c’est de toujours travailler à consolider cette fraternité. Depuis le temps du président Houphouët Boigny, cette solidarité existait, ce qui a permis aux Voltaïques, à l’époque, d’exercer de grandes responsabilités dans le domaine de l’agriculture en Côte d’Ivoire. Je pense que nous devons poursuivre ce travail : fraternité, considération mutuelle des populations des deux pays, engagement au développement collectif en continuant notamment de favoriser toujours les grands échanges entre nos deux pays. Je crois que ce n’est qu’à ce prix-là que nous pourrons faire en sorte que le traité d’amitié et de coopération puisse atteindre ses objectifs. Et que toutes les grandes questions que nous avons à traiter, que nous les traitions avec un esprit de responsabilité collective. C’est tout ce qu’on peut souhaiter dans ce cadre-là.

« Le Pays » : Lors du 29e sommet de l’UA, le principe de prélèvement de 0,2% sur les taxes à l’importation dans chaque pays membre pour le financement de l’organisation a été accepté. 0,2%, qu’est-ce que cela peut représenter en termes de manque à gagner pour le Trésor burkinabè ?

Effectivement, le principe est acquis. Il y a une dizaine de pays qui se sont déjà acquittés de ces 0,2 % sur les importations.

« Le Pays » : Mais pas encore le Burkina ?

Le Burkina, non. Parce que nous avons des discussions sur la base de calculs des importations. C’est pour cela, d’ailleurs, que nous avons demandé encore aux différents ministres des Finances, de se réunir très bientôt pour rediscuter avec le comité, pour qu’on arrive à des ajustements qui permettent de prendre en compte les préoccupations des différents pays. Donc, cette réunion va se tenir très bientôt, pour qu’on finalise avant de commencer à payer. Pour répondre à votre question, je dirais que le Burkina Faso, dans un processus du genre, dès la deuxième année, va passer du simple au double en ce qui concerne le paiement de ses cotisations. Ce qui va aboutir à des montants assez importants. C’est pourquoi nous discutons.

« Le Pays » : On peut avoir une idée du montant à payer ?

En principe, ce sera de l’ordre de 1,9 à 2 milliards de F CFA.

Propos recueillis par Cheick Beldh’or SIGUE

Source : http://lepays.bf/rock-marc-christian-kabore-a-propos-de-gouvernance-gens-veulent-quon-mette-turbo-methodes-diesel-ne-fonctionner-ainsi/