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Politique : le Front patriotique fait le bilan du MPSR-2

lundi 16 octobre 2023

30 septembre 2022 – 30 septembre 2023 : Voilà un an que le MPSR-2, avec à sa tête le capitaine Ibrahim Traoré, a pris le pouvoir au Burkina Faso, après avoir évincé par la force le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, le chef du MPSR-1 (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration), arrivé au pouvoir par le coup d’Etat du 24 janvier 2022.


Peu après sa prise de pouvoir, le nouveau Chef de l’Etat a réuni des « Assises nationales » le 15 octobre 2022, lesquelles ont défini les six (6) « missions essentielles » suivantes à la nouvelle Transition qui débutait.
1.• « Rétablir et renforcer la sécurité sur l’ensemble du territoire national ;
2.• Apporter une réponse urgente, efficace et efficiente à la crise humanitaire ;
3.• Promouvoir la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption ;
4.• Engager des réformes politiques, administratives et institutionnelles en vue de renforcer la culture démocratique et consolider l’Etat de droit ;
5.• Œuvrer à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale ;
6.•Assurer l’organisation d’élections libres, transparentes, équitables et inclusives ».
A l’issue de cette première année d’exercice du pouvoir du MPSR-2, le Front Patriotique, union de formations politiques reconnues, d’OSC et d’organisations citoyennes, qui se veut « un creuset rassemblant les intelligences de notre peuple » et qui a pour ambition « d’apporter sa contribution à la réussite de la Transition » dresse dans le présent document un bilan objectif de la période, notamment par rapport aux missions assignées, avant de faire des propositions allant dans le sens d’améliorer la conduite de la transition.

1ère mission : Rétablir et renforcer la sécurité sur l’ensemble du territoire

Il s’agit là d’une mission essentiellement, mais pas exclusivement, militaire.
Le MPSR-2 a réussi à mettre en œuvre une réorganisation de l’armée qui semble plus efficace. Il a trouvé des solutions pour l’acquisition des armes, des moyens et des équipements qui manquaient si cruellement à notre armée les années précédentes, en élargissant notamment les partenariats. Il a aussi délibérément accru les effectifs des combattants dans toutes les armes, et a compris la nécessité de les renforcer par un nombre important des éléments du peuple formés militairement, constitués en Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) recrutés dans un cadre légal défini.
Depuis l’avènement du MPSR-2, l’initiative de la lutte contre le terrorisme est autant le fait de l’infanterie que de l’armée de l’air qui déploie avec succès ses nouvelles armes (avions, hélicoptères, drones armés) et apporte son assistance aux autres composantes des forces de défense et de sécurité, y compris sur l’information relative aux positions des terroristes.
Malgré la multiplication des attaques terroristes et des victimes qu’elles occasionnent dans les rangs de nos forces combattantes et des civils, le gouvernement est en mesure de confirmer un accroissement du nombre des villages libérés et des habitants qui ont pu retourner chez eux (191 937 au 31 août 2023). La reconquête progressive du territoire et le rétablissement progressif de la sécurité deviennent donc des réalités dont il faut créditer la stratégie mise en œuvre par le MPSR-2.
Il y a cependant une ombre inquiétante au tableau. C’est d’abord la succession des décisions sur la réorganisation des unités militaires, s’accompagnant d’une « valse » des responsables du commandement des unités. Ce sont ensuite les limogeages fréquents d’officiers pourtant présentés auparavant comme efficaces, et les rumeurs (apparemment infondées) annonçant un projet de dissolution de la gendarmerie. Ce sont enfin les informations sur des tentatives internes de déstabilisation. Tous ces éléments font craindre qu’au sein même des forces de défense et de sécurité, qui sont la base et la colonne vertébrale de la force de frappe nationale contre les terroristes, les frustrations, les déceptions et les défiances réciproques n’affaiblissent leur unité et leur détermination dans la lutte.
Le Front patriotique avait déjà souligné que le maintien du secret autour de la composition du MPSR, de ses membres dirigeants, de ses objectifs et de son fonctionnement, était le signe d’une méfiance de ce mouvement vis-à-vis de l’armée dont pourtant il est issu. Si cela était confirmé, le Front patriotique conseillerait de résoudre le problème en recourant au besoin à l’influence morale des autorités coutumières et religieuses, comme ce fut déjà le cas le 1er octobre 2022. En aucun cas, il ne convient de laisser ces contradictions en l’état, car le risque est grand qu’elles empoisonnent la vie de tous et nuisent au succès de la Transition.

2ème mission : Apporter une réponse urgente, efficace et efficiente à la crise humanitaire

Les succès des offensives militaires dans de nombreuses zones du pays ont été complétés par des opérations de ravitaillement de plusieurs villes qui subissaient des blocus de la part des groupes terroristes.
Recourant quelquefois à des transports aériens, mais plus souvent à des longs convois routiers protégés, les autorités de la Transition ont mis un point d’honneur à montrer qu’elles se souciaient du sort de toutes les villes assiégées. Certes ces dernières n’ont pas obtenu les quantités de vivres et de ravitaillements qu’elles auraient souhaitées, et ont pu déplorer la fréquence insuffisante de ces approvisionnements, mais la preuve a été faite que le Faso ne les abandonnait pas à leur triste sort, malgré les attaques et les pièges des engins explosifs placés sur les routes par les terroristes.
Au niveau des personnes déplacées internes (PDI : 2 064 534 personnes au 31/03//2023) réfugiées dans les villes en raison des attentats terroristes, le gouvernement, à travers la ministre chargée de l’action humanitaire d’organiser la distribution des dons et des soutiens disparates qui proviennent pour une part notable de partenaires extérieurs et de personnes physiques ou morales burkinabé.
Au 31 mars 2023, les actions terroristes avaient conduit à la fermeture de 6 334 établissements scolaires (25%) correspondant à 1 089 732 enfants déscolarisés et à 30 893 enseignants en arrêt d’activités pédagogiques. Pour l’année scolaire 2023-2024, le ministère chargé de l’éducation a non seulement créé un service spécial pour traiter de cette situation de crise scolaire, mais a aussi pris des mesures pour organiser la scolarité du maximum d’enfants déplacés.

3ème mission : Promouvoir la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption

Malgré des déclarations fortes du Président de la Transition à l’occasion de ses interviews, dénonçant notamment l’existence au sein de l’armée de milliardaires enrichis par la corruption, cette mission qui touche à la gouvernance générale de l’Etat et de ses institutions, de l’Administration et des différents secteurs de la vie économique et sociale, n’a pas vraiment connu un début de mise en œuvre.
Certes l’emprise des groupes terroristes sur une bonne partie du territoire, justifie amplement la priorité accordée à la guerre pour nous débarrasser de ceux qui, non seulement endeuillent quotidiennement de nombreuses zones, mais bloquent aussi le développement de tout le pays. En effet, ils ont saboté délibérément de nombreuses infrastructures, empêchant les transports et les approvisionnements, et rendant la vie plus chère, aussi bien dans les villes que dans les campagnes. Mais même cette situation, singulièrement difficile, n’empêche pas d’exiger de tous les responsables, le respect des principes de la bonne gouvernance et le refus de la corruption.

4ème mission : Engager des réformes politiques, administratives et institutionnelles en vue de renforcer la culture démocratique et consolider l’Etat de droit

Le MPSR-2 et son gouvernement semblent avoir pour cette mission leur compréhension propre qui diffère nettement de celle de la majorité de l’opinion démocratique burkinabé.
Au lieu d’associer pour la définition et la conception de ces réformes des éléments compétents et qualifiés des élites politiques et sociales, des représentants librement désignés par les forces sociales légitimes et représentatives, ils ont préféré élaborer ou valider un catalogue limité de « propositions » de réformes. Ces dernières, élaborées par le gouvernement, ont été discutées (en général en une journée) par les « forces vives » des provinces et des régions, sélectionnées par les Hauts-commissaires des provinces et les Gouverneurs des régions.
C’est ignorer délibérément que seules sont durables les réformes arrêtées par consensus des représentants légitimes et reconnus de la société, après des débats francs et approfondis. Toute autre méthode conduit à des réformes circonstancielles, appelées à être modifiées, plus ou moins rapidement, selon le rapport de forces.
L’esprit de cette 4ème mission assignée à la Transition, qui vise le renforcement de la culture démocratique et la consolidation de l’Etat de droit, parait donc complètement ignoré des autorités.
Les burkinabé ont assisté durant la période et notamment ces derniers mois, à la multiplication des enlèvements par des « agents cagoulés ». Malgré leurs déguisements, aucun observateur sérieux ne doute que ce sont des éléments en mission du pouvoir, de l’armée ou des services de sécurité. Fort heureusement, jusqu’à présent, tous les « kidnappés », après une disparition plus ou moins longue, sont revenus chez eux sains et saufs, mais ayant tous la peur d’expliquer les motifs réels de leur mésaventure ! Relèvent des mêmes atteintes à l’état de droit, à la démocratie et aux libertés, les enrôlements forcés comme « VDP » de personnalités dont les propos critiques dans les médias, ont apparemment déplu aux autorités.
Il y a peu, le chef de l’Etat lui-même a cru bon d’intervenir et de peser de tout son poids dans une affaire qui ne relevait que de la justice et des droits de l’homme : l’affaire d’Adja la guérisseuse de Komsilga ! Bien que conduisant à l’époque la délégation burkinabé au sommet Russie-Afrique, il a cru bon de couvrir de si loin l’envoi par les services de l’ANR, de militaires et d’un char pour mettre en échec une décision de justice. Une fois rentré de sa mission, il a tenu une conférence pour justifier cette immixtion incompréhensible et inacceptable dans une affaire de justice, évoquant sans convaincre une « affaire d’Etat » que pourtant aucun des acteurs (magistrats, Adja et ses hommes de main) n’avait évoquée ! Ce fut une véritable « pantalonnade » politique que ses divers conseillers auraient dû lui faire éviter !
Le 16 septembre 2023, l’opinion publique burkinabé a accueilli comme une bonne surprise, la signature par les chefs d’Etat du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Charte de l’Alliance des Etats du Sahel, définie comme une « architecture de défense collective et d’assistance mutuelle ». Cependant, là encore, la méthode suivie n’a pas respecté le nécessaire « renforcement » de la culture démocratique et de l’Etat de droit. En effet, les signataires n’ont consulté auparavant, ni leurs peuples « souverains », ni leurs représentants (ALT au Burkina), ni aucune des forces sociales légitimes et représentatives qui constituent l’ossature de nos sociétés. Considérant qu’au Burkina Faso tout au moins, la même observation avait été faite au pouvoir lorsqu’on avait embarqué pendant des mois l’opinion nationale sur un autre projet, celui de l’Union Burkina-Mali-Guinée, il est à craindre que le pouvoir écoute peu.

5ème mission : Œuvrer à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale

La recherche de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale doit être évidemment la quête permanente de tout Etat et de tout gouvernement. Elle vise le renforcement de l’unité de la République et de la nation. Elle a pour cible tous les éléments du peuple qui se reconnaissent dans cette République et acceptent de se soumettre à ses lois et règlements, même s’ils contestent le bien-fondé de certains d’entre eux.
On ne peut guère dire jusqu’à présent, que la réconciliation nationale et la cohésion sociale soient classées parmi les premiers soucis du MPSR et de son gouvernement. Engagés prioritairement et presque exclusivement dans la guerre pour la reconquête du territoire et le rétablissement de la sécurité dans le pays, ils en laissent apparemment la charge aux ONG, aux coutumiers et aux religieux, chacun de ces groupes opérant selon sa conception, ses moyens et ses méthodes.
Même si les thuriféraires du pouvoir se sont un peu calmés sur ce chapitre, il convient néanmoins de souligner que les classements des burkinabé en « patriotes » et en « anti patriotes » auxquels ils se livrent, sont à l’opposé de la cohésion sociale recherchée.
6ème mission : Assurer l’organisation d’élections libres, transparentes, équitables et inclusives
Cette mission, même si elle correspond à des engagements pris et fixant au 1er juillet 2024 au plus tard l’installation des personnalités élues par le suffrage national, ne préoccupe que peu de burkinabé, et même pas les partis politiques du pays. Il est manifeste en effet que les conditions politiques (réformes préalables) et sécuritaires pour l’organisation de telles élections sont loin d’exister. Certains craignent cependant que cette indifférence à l’égard de l’organisation des élections, ne cache la volonté du Président de la Transition de conserver le pouvoir le plus longtemps possible ou même le projet de briguer dans le futur le fauteuil de Président du Faso.
Si les autorités de la Transition sont convaincues de l’impossibilité d’organiser à court terme des élections, le consensus national doit y prévaloir sur cet état de fait avec la participation des instances régionales (CEDEAO), continentales (Union Africaine) et internationales (ONU) auprès desquelles elles ont pris des engagements solennels.

Les recommandations du Front patriotique

A l’issue du bilan de la première année du MPSR-2, et pour mieux assurer le succès de la Transition et mieux servir le peuple, le Front patriotique rappelle les recommandations suivantes qu’il avait déjà présentées :
 Poursuivre la mobilisation générale de tout le peuple et instaurer un système de défense populaire dans toutes les zones sous contrôle de l’Etat : il ne doit pas exister dans ces zones, un seul village ou un seul secteur de ville où les terroristes peuvent arriver, circuler et s’installer à leur guise et sans crainte ;
 Mettre en place des groupes de travail pour réfléchir aux propositions de réformes politiques, administratives, institutionnelles, sociales et électorales endogènes ;
 Convoquer dans les plus brefs délais de nouvelles Assises nationales inclusives, appelées notamment à se prononcer sur les propositions des groupes de travail précédents, avec la participation des forces sociales légitimes et représentatives en vue d’une Transition légitime et souveraine ;
 Poursuivre l’élargissement des coopérations internationales sur la base du respect mutuel de nos souverainetés et de l’indépendance de décision de notre pays.

Ouagadougou, le 15 octobre 2023

Pour le Front Patriotique
Le Coordonnateur

Germain B. NAMA

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